Deux questions pour conclure le paragraphe sur les taux d'intérêt :
1/ Pourquoi le relèvement des taux directeurs par la banque centrale conduit-elle à la baisse du cours des actions ?
2/ Quelle a été l'origine de la crise économique de 1992-1995 ?
Comment ont réagit les autorités allemandes et avec quelles conséquences ?
Pour vous aider dans votre raisonnement, quelques éléments de contexte :
En 1992, la conjoncture est plutôt bonne en Europe. Certes les Etats-Unis connaissent un ralentissement économique depuis 1989, le Japon entre en crise peu plus tard en 1991. Mais l'unification allemande se traduit par une forte expansion de l'économie allemande qui, dans un contexte d'interdépendance des économies européennes, se répercute sur les pays voisins et notamment sur la France (l'Allemagne étant le principal partenaire commercial).
Cependant, le financement de la reconstruction de l'ex-RDA devient rapidement délicat. L'économie allemande se trouve dans un état de "surchauffe", les déficits extérieurs et budgétaires se creusent rapidement, et l'inflation commence à se manifester.
Si la banque centrale relève ses taux directeurs, le refinancement des banques devient plus coûteux. On s'attend alors à ce que les banques répercutent la hausse sur les crédits futurs. Sur le marché boursier, les opérateurs vont anticiper un ralentissement de la demande (C+I) et donc de la croissance et, par suite, une baisse des profits (revenus) attendus des entreprises. Cela signifie que les espérances de dividendes vont se réduire : les actions détenues verront leur rentabilité décroître. Par ailleurs, la hausse du taux d'intérêt à court terme risque d'entraîner l'ajustement à la hausse du taux d'intérêt à long terme : la souscription aux futurs emprunts deviendra attractive. Au final, dans la perspective de placements plus intéressants, notamment en obligations, les détenteurs d'action vont être majoritairement vendeurs. La baisse des cours devient effective, alors que rien ne s'est encore produit dans l'économie.
Face à la dégradation des comptes et l'inflation, le gouvernement allemand aurait pu traiter le problème d'un point de vue interne. Ainsi, une hausse des impôts aurait pu à la fois freiner la demande (donc l'inflation) et renflouer le déficit budgétaire. Autrement dit, par cette mesure, les ménages ouest-allemands, les plus riches, auraient financé le retour des allemands de l'est, aux revenus les plus faibles.
Mais le chancelier Khol venait d'assurer sa réélection avec la promesse d'une baisse des impôts et se refusait à prendre cette mesure... La banque centrale allemande, indépendante et soucieuse de contrôler l'inflation, relève alors ses taux directeurs en juillet 1992. Cette décision permet non seulement de ralentir la demande et les pressions inflationnistes, mais également d'attirer les capitaux étrangers, en offrant une rémunération supérieure, et de financer l'insuffisance de l'épargne intérieure. En même temps, l'entrée de capitaux en Allemagne provoque une hausse du DM par rapport aux monnaies européennes (les capitaux se convertissent en DM ; voir le point c) sur les taux de change). Conséquence pour les autres pays européens : sortie de capitaux (fuite d'épargne) et tensions sur leur monnaie. Deux solutions s'offrent alors : imiter la banque centrale allemande et "accepter" un ralentissement de la croissance ou laisser la monnaie se déprécier, et quitter le système monétaire européen, pour conserver la croissance.
La première solution a été adoptée en particulier par la France (les taux sur le marché monétaire grimpent à plus de 10 %), la seconde par le Royaume-Uni et l'Italie qui quittent le SME. Du coup, le système monétaire européen explose... Sachant que le Danemark venait de voter "non" au traité de Maastricht et que la France allait voter d'un "oui" tout juste majoritaire, le scepticisme sur la poursuite de la construction européenne devient grand et la confiance quitte peu à peu les agents économiques. En 1993, la récession est à son comble : -1 % de recul du PIB en France, soit une crise plus forte qu'en 1974-75.
En définitive, l'ensemble des européens ont supporté en partie la réunification allemande sous forme de ralentissement économique et d'un surcroît de chômage. Les pays européens n'avaient guère de solutions et de moyens de pression face à la décision unilatérale allemande. L'idée d'une Europe économique sans l'Allemagne, tout comme sans la France, est depuis toujours inconcevable.