Environnement économique et social
CoursOutils transverses

La mondialisation des entreprises

En gestion, la mondialisation est vue comme une stade particulier du processus plus général d'internationalisation. Plusieurs travaux permettent d'identifier les différents modes ou formes d'internationalisation des entreprises. Cela nous conduira à préciser les termes d'entreprises multinationales, transnationales, mondiales. Nous verrons ensuite ce que recouvre la notion de "firme mondiale ou globale" en termes de nouvelles pratiques de gestion.

a) Les formes de l'internationalisation : de l'entreprise exportatrice à l'entreprise mondiale

Le tableau suivant illustre les différentes formes possibles d'internationalisation des entreprises en croisant deux critères : la localisation de la production à l'étranger et les investissements à l'étranger. La firme la plus internationalisée est celle qui se situe dans le cadrant inférieur droit.

Tableau
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Cette matrice ne permet toutefois pas de caractériser la firme mondiale par rapport à l'appellation ancienne de firme multinationale.

L'universitaire américain Michael Porter propose la typologie des stratégies internationales suivante :

Tableau
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Il fait ainsi apparaître 1) la firme nationale ou domestique, 2) la firme exportatrice, 3) la firme multinationale, 4) la firme mondiale.

Une autre typologie exclue le cas simple de l'entreprise nationale ou domestique (qui n'est en fait pas internationalisée) et distingue, de façon plus fine que la typologie précédente, trois types d'entreprise internationalisée : la firme mondiale, transnationale, multinationale.

Tableau
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La firme multinationale s'impose lorsqu'il existe des facteurs de différenciation propres à chaque zones géographiques ou pays en terme de demande (différenciation des produits). Chaque filiale géographique doit donc optimiser ses activités en fonction d'un environnement qui lui est propre. La firme multinationale fonctionne comme une fédération décentralisée, les opération à l'étranger étant gérées comme un portefeuille d'activités indépendantes.

La firme transnationale coordonne ses filiales afin de dégager des économies d'échelle en combinant les avantages propres à chaque filiale (qui dépendent de leur milieu national). Toutefois, elle doit tenir toujours tenir compte de demandes locales. Une marge de manœuvre existe donc pour les filiales.

Avec la firme mondiale, le contrôle et la centralisation sont renforcés par l'absence de facteurs de différenciation des produits : le produit (et le marché) est mondial.

De ces typologies, on peut caractériser les stratégies internationales des entreprises de la façon suivante :

– l'entreprise domestique (absence de stratégie internationale)

– l'entreprise exportatrice (pas de filiales sauf éventuellement des filiales commerciales)

– l'entreprise multinationale

– l'entreprise transnationale

– l'entreprise mondiale ou globale

Concernant la firme mondiale, ces typologies adoptent la vision de T. Levitt, l'un des premiers chercheurs à théoriser la mondialisation du point de vue de la firme ("The Globalization of Markets", Harvard Business Review, mai-juin, 1983). La firme mondiale structure et intègre mondialement le flux des ses opérations (on parle aussi de chaîne de valeur) en vue de la production et de la vente d'un produit standardisé : Coca-Cola, Pepsi-Cola, la restauration rapide (Mac Donald notamment), les jeans Levis, les magnétoscopes et autres produits électroniques grand public.

L'avantage des entreprises mondiales provient de l'ampleur des économies d'échelle qu'elles parviennent ainsi à dégager. Pour Theodore Levitt, les consommateurs ne résistent pas durablement à l'offre de produit de qualité à prix réduit, quelles que soient par ailleurs leurs habitudes de consommation et les caractéristiques de l'offre locale.

b) Le caractère réversible de la stratégie de mondialisation

Il faut constater que les typologies présentées ont, par nature, un caractère statique. Le point de vue dynamique conduit à identifier des phases ou des trajectoires-types, de l'exportation à la mondialisation. L'encadré suivant explicite ces phases au nombre de quatre et montre, à travers l'exemple des constructeurs japonais, que la stratégie de mondialisation ou de globalisation n'est pas irréversible.

Internationalisation : le modèle des quatre phases

On distingue habituellement quatre phases dans le processus de développement international des entreprises : 1. Approche purement nationale, 2. Pénétration des marchés étrangers, 3. Intégration régionale, 4. Globalisation.

En phase 1, l'entreprise se limite au marché national, voire à un marché local. Il peut s'agir d'une stratégie délibérée, même en réaction à la pression de concurrents étrangers. Les dirigeants peuvent considérer que l'entreprise n'a pas les moyens de se développer à l'international.

En phase 2, l'entreprise s'efforce de prendre des parts de marché à l'étranger. A ce stade, chaque marché est considéré séparément et la difficulté de prendre pied sur un marché conduit à adapter le plus souvent la politique commerciale aux exigences locales perçues. A la suite d'expériences malheureuses, certaines entreprises adoptent une stratégie de repli sur le marché national. D'autres au contraire sont conduites à produire à l'étranger, pour des raisons de coûts, de l'existence de barrières à l'entrée, ou parce qu'elles ont eu l'opportunité d'effectuer des opérations de croissance externe. La réorganisation d'un tel ensemble au niveau régional, entendu comme un ensemble de pays proches, dans le but de dégager des économies d'échelle, nous conduit à la phase 3 du modèle, l'intégration régionale. Elle revient à approcher cette région comme un marché unifié, et non comme un ensemble de marchés séparés aux besoins spécifiques.

En phase 4, l'entreprise approche le marché mondial comme un marché unifié, de façon à dégager de nouvelles économies d'échelle. Elle vendra dans le monde entier des produits hautement standardisés, limitant autant que possible l'adaptation locale. Coca-Cola ou Mac Donald sont fréquemment cités. Rossignol, Salomon ou Nike dans les équipements de sport constituent sans doute aussi de bons exemples.

Dans certains cas, l'entreprise globale ne fabrique qu'en un seul lieu chacun des produits qu'elle commercialise mondialement. Salomon fabrique en France ses skis et fixations, aux Etats-Unis le matériel de golf (Taylor Made), et les commercialise au niveau mondial. Dans de tels cas, l'entreprise passe de la phase 2 (pénétration de marchés étrangers) à la phase 4 (globalisation) sans passer par la phase 3 (intégration régionale). Dans d'autres cas, la globalisation fait suite à une phase d'intégration régionale.

L'environnement évolue et certains facteurs qui jouaient hier dans le sens de la globalisation peuvent jouer demain en sens contraire. Ainsi, au tournant des années 80, les constructeurs automobiles japonais gagnaient des parts de marché en Europe et aux Etats-Unis par l'offre de produits standardisés fabriqués au Japon à faibles coûts ; ils progressaient ainsi vers la globalisation. Mais l'augmentation des coûts salariaux, accentuée par la hausse du yen à partir de septembre 1985, les a obligés à compenser la perte de leur avantage sur les prix par la conception de véhicules plus finement adaptés aux différents marchés, et à adopter pour cela une approche régionale. Les progrès réalisés par les constructeurs occidentaux au cours des années 80, en réaction à cette percée japonaise, et les frictions commerciales au niveau politique ont accentué cette réorientation des stratégies japonaises vers la régionalisation.

Source : J. JAUSSAUD in Les Cahiers Français, Les stratégies d'entreprise, n°275, 1995, pp. 107-115 (extraits)

c) Stratégie de la firme globale ou mondiale : quelles nouvelles pratiques de gestion ?

Que l'on considère la mondialisation comme processus ancien ou nouveau, il reste qu'il est possible, selon certains auteurs, de constater de nouvelles pratiques de gestion, propres à la firme dite mondiale. Dans un premier article Firmes globales ou multinationales ? , E. Cohen discute des thèses de Ohmae et Reich pour qui l'entreprise globale est bien une réalité. Il estime, d'une part, que les Etats disposent encore d'une marge d'action vis-à-vis des firmes mondiales, et d'autre part, que la firme globale s'apparente pour l'instant à la firme multinationale et reste un idéal tout comme l'économie mondialisée. Pour Cohen, les firmes globales se "comptent sur les doigts d'une main".

Dans un autre article, Le règne des firmes multinationales globales ? , W. Andreff constate également les rares cas d'entreprises que l'on peut qualifier de "mondiales". L'intérêt de cet article est de lister clairement les éléments de la stratégie et les pratiques de gestion qui définiraient la firme globale.

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