S'approprier l'innovation et la protéger

Etude de cas : les Patent Trolls, un impact sur les entreprises et l'innovation

Comme nous l'avons vu précédemment, le brevet est un encouragement à l'innovation. Il s'appuie sur les droits de propriété intellectuelle qui sont basés sur un principe simple : l'inventeur qui crée et innove doit être récompensé par l'attribution de droits exclusifs qui lui permettront d'obtenir un juste retour sur investissement.

Or, Les Patent Trolls (PT) suivent une logique spéculative et ont un service juridique conséquent, un modèle d'affaire basé sur le litige (Reitzig et al., 2007), ces derniers n'investissent pas en R&D, ils profitent des droits de propriété intellectuelle dans le but de valoriser le brevet qu'ils acquièrent et qu'ils n'exploitent pas eux même. En ce sens, les PT n'encourageraient pas à l'innovation. Ils détourneraient en quelque sorte les industriels de l'investissement dans l'innovation et empêcheraient la commercialisation de certains nouveaux produits (Plasseraud, 2008). Malgré tout, les PT agiraient en toute « légalité », de par la définition même du brevet : le titulaire d'un brevet garantit un droit de monopole temporaire à l'inventeur. De ce fait, l'inventeur est en droit de refuser ou/et d'autoriser l'exploitation de son brevet à d'autres personnes. Il a également la possibilité de céder l'intégralité ou une partie de ses droits, enfin posséder un brevet ne nécessite pas d'être l'inventeur.

Les PT ont compris que le brevet pouvait être un objet de spéculation et par conséquent source de richesse. Cette spéculation est un problème en matière d'éthique des affaires.

Valeur du droit d'exclusion

Le droit d'exclusion conféré par un brevet est un élément profitable pour les PT car il permet de leurs générer des profits (royalties). Les PT mettent donc l'accent sur le droit d'exclusion et non sur la valeur économique de l'invention, en faisant cela le droit de la concurrence et le droit des brevets ne partagent plus l'objectif d'encourager l'innovation (Su, 2011). Le comportement des PT est donc néfaste pour l'innovation car ici, le système des brevets n'est pas utilisé de façon à promouvoir l'innovation.

Stratégie des Patent Trolls

Leurs pratiques ne sont pas sans conséquences sur l'innovation. Les Patent Trolls acquièrent de nombreux brevets, se fondant un portefeuille de brevets et contactent/attaquent ainsi les entreprises susceptibles d'avoir utilisé sans autorisation la technologie en question. La stratégie des PT est la suivante : avoir des brevets où la contrefaçon peut être importante, obtenir des brevets à « bas prix » via par exemple des entreprises en difficultés financières, identifier les entreprises qui contrefont leurs brevets, attendre le bon moment, c'est à dire attaquer l'entreprise visée lorsqu'elle a fait des investissements irréversibles.

L'objectif du Patent Troll en menaçant les entreprises, est de faire un maximum de profit et pour cela deux options sont possibles : un recours en justice ou un accord amiable pour les deux parties (acceptable, parfois plus intéressant pour une entreprise de ne pas aller en justice du fait de l'importance des frais à encourir/des dépenses exorbitantes lors d'un procès mais aussi un avantage en faveur des PT, ces derniers ne craignent pas d'être assignés en justice du fait qu'ils ne produisent rien, ils ne peuvent donc contrefaire des brevets). Ils soumettent donc les entreprises à une perpétuelle menace judiciaire et ont des stratégies clairement destructrices (comme citées précédemment), en attaquant les entreprises qui ont déjà intégré les brevets des PT dans leurs normes de production.

Les PT ont pour but de se constituer un important portefeuille de brevets afin d'optimiser leurs chances « d'attaquer » une entreprise pour contrefaçon. L'acquisition de nombreux brevets signifie par conséquent une variété de ces derniers. Leurs portefeuilles peuvent porter sur des brevets qui protègent des produits peu innovants (frivolous patent : qualité des brevets délivrés remise en question), peuvent aussi être une simple prolongation d'un brevet (second-generation patent) : apportant une simple amélioration au premier brevet, et peuvent contenir des brevets sous-marins (submarine patent). On sous-entend par brevet sous-marin, que celui-ci était inaccessible au public et apparait plus tard comme brevet délivré. Un PT détenant ce « type » de brevet peut évincer ses concurrents qui peuvent avoir contrefait son brevet.

Les Patent Trolls ont la capacité d'assigner et de demander des licences pour des brevets qui pourraient être eux-mêmes invalidés. Une multitude d'entreprises ne prendront pas le risque d'une action pour contrefaçon ou même d'une licence injustifiée et préfèreront retenir leurs produits. Les PT vont donc ralentir et limiter l'entrée sur le marché de nombreux produits.

ExempleL'attaque de Vringo sur Google

Nous pouvons mettre en avant l'exemple de l'entreprise Vringo (Patent Troll) attaquant Google.

Vringo est localisée à New York, cette entreprise est spécialisée dans les sonneries pour téléphones mobiles mais aussi et surtout dans « le rachat et la monétisation de propriétés intellectuelles ». En 2011, cette PME a racheté deux brevets concernant l'optimisation de la présence des publicités sur les moteurs de recherche et décide donc de s'attaquer à Google pour violation de ses brevets. Le moteur de recherche s'est fait condamner en 2012 devant un tribunal de Virginie à verser 30 millions de dollars (21,6 millions d'euros) à Vringo. Cette année, Vringo réitère sa victoire. Elle attaque une fois de plus Google qui aurait commis des infractions portant sur l'exploitation de brevets associés au programme de publicité AdWords. Google se voit une fois de plus contraint de payer des Royalties à cette dernière. Google devra verser 1,36% des recettes d'AdWords à Vringo, seconde victoire pour l'entreprise.

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AccueilAccueilImprimerImprimer CLAUDE DUPUY - PROFESSEUR DE SCIENCES ECONOMIQUES - GRETHA UMR CNRS 5113 Réalisé avec Scenari (nouvelle fenêtre)