Environnement économique et social
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Les théories de la dynamique du capitalisme

Une première vision de la dynamique du capitalisme vient d'être proposée par Braudel. Trois principales autres visions sont développées ci-dessous, choisies – on l'espère – pour leur représentativité des multiples contributions existantes et pour illustrer la diversité des interprétations, notamment sur la disparition possible du capitalisme.

a) Schumpeter et la destruction créatrice

Un économiste hétérodoxe. Economiste autrichien, Joseph Schumpeter est classé, tout comme Keynes, comme un économiste hétérodoxe. Plutôt libéral, il s'écarte néanmoins des thèses habituelles du libéralisme et prédit à l'instar de Marx la fin du capitalisme et l'avènement du socialisme. Il est passé à la postérité pour son analyse de la dynamique du capitalisme qu'il voit comme un processus de destruction créatrice et dans laquelle il souligne deux éléments-clés : le rôle de l'innovation et de l'entrepreneur. Son ouvrage majeur est publié en 1942 sous le titre Capitalisme, Socialisme et Démocratie.

Le processus de destruction créatrice. Pour Schumpeter, le capitalisme est un processus d'évolution, un processus dynamique. Au cœur de ce processus se trouve celui de destruction créatrice qu'il définit comme un processus organique, c'est-à-dire qui révolutionne constamment "de l'intérieur la structure économique, en détruisant continuellement ses éléments vieillis et en créant continuellement des éléments neufs". "L'impulsion fondamentale" provient de l'innovation qui se diffuse en grappes et qui donne naissance à de nouveaux produits, de nouvelles méthodes de production, de nouveaux marchés, de nouveaux types d'organisation industrielle.

C'est l'entrepreneur qui traduit les découvertes et les inventions en innovations, c'est-à-dire en activités économiques nouvelles ; il a donc une fonction sociale importante car c'est de lui, de ses décisions, de son intuition, de sa recherche du profit que dépendent en fin de compte la croissance économique et le développement des sociétés.

Schumpeter est d'accord avec Marx : le capitalisme, en se développant, génère les forces de sa propre destruction. Les raisons seront toutefois différentes : le capitalisme engendre de la bureaucratie qui élimine l'entrepreneur et le processus de destruction créatrice engendre une hostilité grandissante de la société à l'égard du capitalisme. Au bout du compte, la dynamique capitaliste est brisée.

Le crépuscule de la fonction d'entrepreneur. Le développement du capitalisme induit le développement des innovations et du progrès technique. Celui-ci se routinise et se dépersonnalise. Le rôle de l'entrepreneur est alors déconsidéré et son statut social dévalorisé : "le progrès technique devient l'affaire d'équipes de spécialistes entraînés qui travaillent sur commande" écrit Schumpeter.

De plus, dans les grandes entreprises qui se sont constituées, la bureaucratie s'installe, le pouvoir de décision se dilue avec les dirigeants-salariés et les actionnaires pas vraiment concernés par la propriété de l'entreprise. L'entrepreneur est poussé vers la sortie, sans pour autant qu'il soit remplacé dans sa fonction fondamentale de découvreur de nouveaux produits, processus de production et d'organisation. Les innovations et les occasions d'investissement se réduisent : le mécanisme de destruction créatrice se grippe inexorablement.

L'hostilité grandissante de la société. Le processus de destruction créatrice bouscule l'ordre établi et finit par détruire les institutions ("le manoir, le village, la guilde artisanale") et les privilèges passés ("la noblesse terrienne, l'aristocratie, le clergé"). Lentement mais toujours inexorablement, toute la société est affectée par le côté destructeur du capitalisme et devient hostile à la propriété et à la liberté d'entreprendre. Le pouvoir politique, "l'Etat régulateur et taxateur", à l'image du corps social qu'il représente, multiplie les entraves au capitalisme. La phase de décomposition du capitalisme intervient :

« En butte à l'hostilité croissante de leur entourage et aux pratiques législatives, administratives et judiciaires engendrées par cette hostilité, les entrepreneurs et les capitalistes – en fait toute la couche sociale qui accepte le programme d'existence bourgeois – finiront par cesser de remplir leur fonction... Ils en viennent à considérer que le jeu n'en vaut plus la chandelle. » (Schumpeter)

L'hostilité de la société, Schumpeter la constate à son époque à travers la montée des mouvements totalitaires et nationalistes. La venue du socialisme lui paraît alors inéluctable.

La bourgeoisie à l'écart du pouvoir. La fin programmée du capitalisme repose chez Schumpeter sur une vision particulière de l'attitude de la bourgeoisie, dont sont issus les entrepreneurs, vis-à-vis du pouvoir. Même si la bourgeoisie a été à la tête des villes à la fin du Moyen-âge, elle n'a pas voulu du pouvoir central et a laissé les commandes de l'Etat aux anciennes classes dirigeantes. Dans un premier temps, il y a entente entre l'Etat et la bourgeoisie : le premier apporte un soutien politique au second et ce dernier un soutien économique en retour. Mais lorsque l'hostilité grandit, cette entente n'est plus possible d'autant que la classe dirigeante est elle-même victime de la destruction créatrice. Selon Schumpeter, le bourgeois est "anti-héroïque" et ne sait pas exceller dans l'art de la politique comme dans l'art des affaires : "n'ignorant pas ce défaut de sa cuirasse, il préfère rester dans son coin et ne pas se mêler de politique". Schumpeter n'hésite pas à dire que la bourgeoisie a, par sa nature, "besoin d'un maître".

Innovations et cycles Kondratiev. Avec Schumpeter, c'est le rôle de l'innovation qui est mis en avant dans la dynamique capitaliste. Les travaux plus anciens d'un économiste russe vont venir confirmer cette thèse et vont faire référence. Kondratiev, en 1926, repère des phases longues de 25 années d'expansion puis de 25 années de dépression du capitalisme. Il constate donc des cycles d'environ 50 ans qui s'expliquent par un ensemble d'innovations qui, à travers des industries motrices, portent la croissance, puis s'épuisent et entraînent l'économie dans la dépression avant que de nouvelles innovations ne prennent le relais.

Depuis la révolution industrielle, il est possible de distinguer, grosso modo, 4 cycles d'expansion/dépression. Nous serions à l'heure actuelle au début d'un nouveau cycle de croissance, tiré par le traitement de l'information (informatique, internet, télécommunications...) et la bio-technologie (bio-masse, génétique...).

Source : L'Expansion, La fin d'un monde, n° spécial, octobre 1992
Source : L'Expansion, La fin d'un monde, n° spécial, octobre 1992[Zoom...]

Les travaux de Kondratiev suggèrent à l'opposé de ceux de Schumpeter que le capitalisme est viable à long terme (ce qui vaudra à Kondratiev d'être destitué et condamné par le régime soviétique en 1930). Quoi qu'il en soit, ces deux auteurs diffusent l'idée que l'innovation est au cœur du système capitaliste et, à partir de 1945, vont inspirer les pouvoirs publics qui multiplieront les mesures de soutien à la recherche et à l'innovation.

b) Wallerstein et le blocage de l'accumulation du capital

A la croisée de Marx et de Braudel. Immanuel Wallerstein, historien-sociologue, peut être considéré comme un néo-marxiste. Il s'inspire également d'un autre néo-marxiste, Samir Amin, économiste égyptien qui, dans les années 70, a théorisé le phénomène de sous-développement et d'impérialisme économique comme un produit du capitalisme. Wallerstein s'inspire également de Fernand Braudel (il est directeur du centre Fernand Braudel pour l'étude des économies et systèmes historiques et des civilisations à l'université de New-York). Son ouvrage majeur s'intitule Le système du monde du XVe siècle à nos jours (2 tomes, Flammarion, 1980 et 1984).

Wallerstein définit le système capitaliste comme un système-monde axé sur l'accumulation incessante du capital. Au sein de ce système existe une division du travail qui se traduit par un transfert de plus-value de la périphérie (régions les plus pauvres) vers le centre (régions les plus riches). Ce transfert de plus-value est au cœur de la dynamique du système.

Le discours sur la mondialisation en tant qu'idéologie. Wallerstein suit Braudel en considérant la mondialisation comme un phénomène inhérent au capitalisme. De façon symbolique, il fixe la date de naissance de l'une comme l'autre au 15ème s. avec la découverte de l'Amérique. Le discours actuel sur l'inéluctabilité de la mondialisation et les contraintes qu'elle fait peser sur les stratégies des entreprises et sur les salariés n'est pour lui qu'un discours idéologique libéral. Il s'agit de faire croire qu'il n'existe pas d'autre solution ou d'alternative économique et politique à la mondialisation pour mieux la faire accepter.

Les blocages actuels de l'accumulation ou la forte probabilité de la disparition du capitalisme. Wallerstein voit 4 raisons à l'écroulement prochain du système capitaliste qui sont autant de facteurs bloquant l'accumulation du capital et à l'origine de la crise actuelle :

1- La "déruralisation du monde". L'un des déterminants essentiel de l'accumulation du capital est le faible coût du travail qui permet d'assurer des profits importants aux entreprises. Le monde rural, aux revenus traditionnellement plus faibles, constitue un réservoir de main d'œuvre à moindre coût (donc de plus-value potentielle). Dans les pays développés (le centre), le monde rural n'existe quasiment plus (5% de la population). L'accumulation du capital au cours des dernières décennies a donc été soutenue par l'exploitation du monde rural des pays en voie de développement (la périphérie). Or, cette possibilité s'épuise également. Wallerstein donne les chiffres suivants : au 18ème s., 80 % de la population mondiale était rurale contre à peine 50 % aujourd'hui. Dans les pays nouvellement capitalistes (Asie, Inde...), la déruralisation s'accélère. Même si celle-ci n'est pas terminée, avec l'urbanisation et la concentration de population qui s'en suit, les salariés finissent par obtenir un poids politique et de négociation qui tire les salaires à la hausse et les profits à la baisse, comme cela a pu être observé dans les pays du centre.

2– Le frein écologique. Le capitalisme génère une croissance dévoreuse de ressources non renouvelables et pendant longtemps il n'a pas eu à payer les dégâts écologiques causés. Aujourd'hui la pression écologique est telle que le capitalisme n'a plus les mains libres et ne peut plus bénéficier d'économies par la non prise en charge des coûts écologiques. Il faudra taxer soit les entreprises, dont le profit sera pénalisé, soit la collectivité. Celle-ci sera logiquement hostile à cette solution et il deviendra politiquement et socialement difficile de justifier la poursuite de l'accumulation capitaliste.

3– La crise fiscale. Pour calmer et apaiser les protestations à l'égard du capitalisme, la vie s'est globalement démocratisée. Le corollaire est une montée des revendications des populations de par le monde : élévation du niveau de vie, de la couverture médicale, de la formation et de l'éducation... Une contradiction surgit : les ressources des pouvoirs publics ne sont pas à la hauteur des exigences et la fiscalité ne pourra que s'accroître.

4– Crise politique et conflits sociaux. Wallerstein considère que la croyance et l'espérance des populations en un monde meilleur est en perte de vitesse. La gauche anti-capitaliste, socialiste, communiste ou populiste avait critiqué le libéralisme politique pour la lenteur de ses réformes. Mais l'absence de changement et de rupture véritables qui ont marqué les expériences de la gauche au pouvoir dans différents pays et la chute des économies socialistes de l'Est conduisent les populations à ne plus croire dans l'espérance d'une vie meilleure. Au fond, pour Wallerstein, toutes les idéologies politiques, qu'elles soient d'inspiration libérale ou socialiste, ont perdu leur crédibilité. Il prédit alors la montée des conflits sociaux dans toutes les régions du monde.

Pour toutes ces raisons, économiques et sociales, écologiques ou politiques, le blocage de l'accumulation du capital devient inéluctable. Si le système actuel s'écroule, Wallerstein reste prudent sur ce qui émergera dans l'avenir. Nul ne peut prédire comment évoluera l'organisation économique et sociale. On ne peut que faire le constat que nos sociétés sont à un point de bifurcation : c'est un moment de lutte politique et de conflits mais également un moment de créativité et d'imagination.

c) L'Ecole de la Régulation : la succession de régimes d'accumulation du capital

Une approche systémique. D'inspiration marxiste (comprendre les formes d'accumulation), keynésienne (influence de la demande et de la répartition des revenus) et institutionnaliste (rôle des règles sociales et des institutions), l'école de la régulation est née en France dans le milieu des années 70, sous l'impulsion des économistes Michel Aglietta (Régulation et crise du capitalisme, Calmann-Lévy, 1976) et Robert Boyer (Accumulation, inflation, crises, PUF, 1978). Cette école se caractérise par le recours à la théorie des systèmes pour l'analyse de l'économie en général et du capitalisme en particulier.

La théorie des systèmes, nouvelle approche scientifique consacrée avec le prix Nobel de chimie de Prigogine (1977), s'oppose à l'approche traditionnelle cartésienne. Elle se résume dans la formule "le tout est plus que la somme des parties" : pour comprendre un système, une organisation donnée, il faut étudier les relations qui s'établissent entre les composants du système et non pas seulement leurs propriétés individuelles. On comprend mieux ainsi comment évolue un système et comment il se régule, comment le système parvient à former un tout cohérent et stable.

Au cours de son fonctionnement, le mécanisme de régulation s'altère de l'intérieur ou du fait de fluctuations, de chocs aléatoires provenant de l'extérieur. La théorie des système repose sur la notion de "complexité par le bruit" : le désordre ("bruit" en physique) est créateur d'ordre (d'organisation, de stabilité) qui lui même génère du désordre (entropie). La théorie du chaos constitue d'ailleurs l'un des derniers prolongements de la systémique et vise à comprendre comment un système bascule ou bifurque d'un état d'équilibre à un autre. A chaque état d'un système, les lois de fonctionnement ou "régularités" sont spécifiques car elles résultent de la régulation en œuvre, c'est-à-dire d'un assemblage particulier des relations entre les composantes internes. Les lois scientifiques que l'on peut dégager ne seront donc pas universelles mais spécifiques à chaque état d'équilibre du système.

Les différents "régimes d'accumulation" du capitalisme. L'école de la régulation se propose de comprendre la dynamique du capitalisme par l'étude de ses régularités et du mode de régulation qui en assure la stabilité et la croissance. Les régularités seront recherchées dans cinq éléments : la monnaie et le crédit, le rapport salarial (organisation du travail et mode de fixation des salaires), la concurrence, les politiques de l'Etat, les relations internationales. Ces éléments expliquent les régularités ou règles dans la production de la valeur ajoutée, dans la répartition du revenu et dans la consommation (on remarque que l'on retrouve les trois temps du circuit économique). Un régime d'accumulation se caractérise un ensemble particulier de régularités. Deux régimes d'accumulation sont alors distingués depuis la révolution industrielle.

Le régime d'accumulation extensive se caractérise par l'extension du salariat mais avec une faible progression de la productivité du travail. L'extension du capitalisme provient de la production de biens d'investissement (machines). Le pouvoir d'achat progresse lentement et la consommation se porte sur des biens "traditionnels" (alimentation, habillement, logement) qui ne sont pas les éléments moteurs de la production capitaliste. Ce régime d'accumulation bute sur la faible croissance du pouvoir d'achat. Certains régulationnistes reprennent d'ailleurs les schémas de reproduction marxistes : la section 1 n'arrive plus à écouler sa production du fait de la croissance trop lente de la section 2. La crise de surproduction est inévitable et son point d'orgue se manifeste en 1929.

Le régime d'accumulation intensive se met en place progressivement après 1945, à la suite de la crise des années 30. Il repose sur fordisme qui constitue le cœur de la dynamique du capitalisme intensif. Le fordisme est la combinaison d'une organisation du travail, le taylorisme, et d'une politique de rémunération initiée par Henri Ford. Le taylorisme permet des gains de productivité du travail qui sont pour partie redistribués aux salariés sous forme de hausse de salaires. Cette politique de rémunération conduit à la hausse du pouvoir d'achat et du niveau de vie qui, soutenus par le crédit, conduisent à une augmentation et à un élargissement de la consommation (nouvelles normes de consommation avec les biens durables qui stimulent en outre le progrès technique). En résumé, le fordisme permet la cohérence entre une production de masse et une consommation de masse. Cette cohérence est renforcée par les formes d'intervention de l'Etat. D'une part, la montée des transferts sociaux et l'instauration d'un salaire minimum renforcent le pouvoir d'achat et la consommation. D'autre part, les coûts de reproduction de la force de travail (éducation, formation, santé...) sont pris en charge par la collectivité. Au final, la croissance est durable, forte et cumulative, favorisée en outre par le développement des échanges internationaux dans un contexte de relative stabilité monétaire (règne du dollar comme étalon des taux de change).

Régulation concurrentielle et régulation monopoliste. Comment les perturbations (les crises économiques) qui affectent le système sont-elles régulées ? Il faut distinguer en fonction du régime d'accumulation. Le régime extensif se caractérise par une régulation concurrentielle, c'est-à-dire par des ajustements des variables économiques par le biais du marché et des variations de prix. Le cadre d'analyse libéral peut s'appliquer au régime extensif pour l'explication des fluctuations économiques.

Dans le régime intensif, le marché n'assure plus son rôle de régulateur. Le changement de régime d'accumulation et la nouvelle dynamique à l'œuvre produisent en effet trois transformations : un développement des organisations syndicales, la concentration des entreprises et l'intervention croissante de l'Etat. Le poids accru des syndicats et l'extension des conventions collectives entraînent une rigidité des salaires à la baisse et favorise la diffusion des hausses de salaires dans toute l'économie. La rigidité salariale est accentuée par l'intervention de l'Etat, avec le SMIC et les lois sociales contre les licenciements. La concentration des entreprises se traduit par une cartellisation de l'économie (ou "monopolisation") qui fait que les entreprises arrivent à s'opposer aux baisses de prix qui devraient intervenir lorsque la demande se réduit. Au total, les ajustements par le marché et les prix ne peuvent plus se faire car les prix sont "administrés", déconnectés de l'évolution de l'offre et de la demande, notamment à la baisse.

C'est ainsi que les régulationnistes expliquent la différence entre la crise de 1929 et celle de 1975. Du fait de la flexibilité des prix du régime extensif, la baisse de la production s'accompagne de celle des salaires et des profits. La consommation se réduit – d'autant que le chômage augmente – et entraîne la baisse des prix. La baisse de la consommation et des prix aggrave la baisse de la production et des revenus... Le processus est donc cumulatif à la baisse.

Dans le régime intensif, les salaires et les profits sont rigides à la baisse. La consommation se maintient d'autant que les transferts sociaux s'accroissent (allocation chômage). La production baisse moins vite et la chômage augmente moins vite. L'inflation, en revanche, se manifeste car les entreprises cherchent à maintenir leur profit d'autant que l'essentiel des coûts de production (les salaires) sont rigides à la baisse. On obtient alors la stagflation (stagnation + inflation) qui a caractérisé les économies occidentales jusqu'au début des années 80.

Crise du fordisme. La crise de la fin du 20ème s. s'explique par le grippage progressif des mécanismes vertueux du fordisme. Mai 1968 marque la contestation et le refus du taylorisme. Les gains de productivité se ralentissent et ne permettent plus une répartition des revenus (partage salaires / profits) non conflictuelle. La consommation marque le pas du fait de la saturation des besoins en biens durables qui avaient soutenu la croissance (automobile, équipements ménagers).

L'augmentation continue des dépenses publiques entraîne une hausse de la pression fiscale et remet en cause les modalités de la protection sociale. Les échanges internationaux sont perturbés par la crise monétaire qui débute en 1971, avec l'inconvertibilité du dollar, et qui provoque l'éclatement du système monétaire international et le flottement généralisé des monnaies. La crise du pétrole et la nouvelle concurrence de certains pays en voie de développement ne sont que les catalyseurs d'une crise de régulation qui couvait depuis la fin des années 60. Les possibilités d'accumulation intensive du capital sont désormais "épuisées".

A la différence des marxistes, la plupart des auteurs régulationnistes considèrent que le capitalisme peut être viable. Ils vont rechercher les signes d'une nouvelle forme d'accumulation du capital et d'une nouvelle régulation, c'est-à-dire d'un nouveau capitalisme.

Sortir de la crise : trouver de nouveaux lieux d'accumulation et une nouvelle régulation. Les propositions ou analyses de la sortie de crise sont multiples car l'Ecole de la régulation ne constitue pas un ensemble parfaitement homogène. Certains auteurs voient dans l'évolution technologique et l'apparition de nouveaux standards de consommation (services, loisirs, objets de communication) l'occasion d'un nouveau régime de croissance pour le capitalisme. D'autres insistent sur le nouveau mode de régulation salariale qui émerge depuis les années 90 caractérisé par une fixation des salaires fondée sur une logique de la compétence (des savoir-faire) et non plus de la qualification (des savoirs ou du diplôme). D'autres encore voient dans l'organisation du travail en équipe de travail ou en îlot autonome le dépassement du fordisme et la possibilité de nouveaux gains de productivité durables. Enfin, certains proposent de dépasser le cadre national des économies et appellent à une régulation internationale (du commerce, des politiques économiques, de la finance...).

Les caractéristiques d'un nouveau capitalisme seraient d'ailleurs émergentes. Ainsi, selon Aglietta, le capitalisme est désormais un capitalisme patrimonial, caractérisé par une extension du capitalisme et du salariat dans les pays en voie de développement et financé de façon collective ou socialisée par les fonds de pension des salariés des pays développés. Selon B. Paulré, la crise exprime la transition du capitalisme industriel au capitalisme cognitif, dont l'accumulation reposera sur du capital immatériel : la connaissance. La gestion de la connaissance ("knowledge management") visera à accumuler et à contrôler les savoirs produits par les salariés au travail.

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