De la théorie à la réalité
Nous illustrerons cette perméabilité du monde des théories et du monde réel à travers le travail de MacKenzie[1] (2006) consacré à la performativité de la formule de Black et Scholes[2].
Méthode :
La question centrale dans la Théorie des options réside dans le calcul du coût (prime) d'une option. A priori un certain nombre de facteurs sont censés influencer cette prime : le prix courant du sous-jacent, le prix d'exercice, la durée jusqu'à l'échéance, le niveau des taux d'intérêt, la volatilité. Depuis que les marchés dérivés existent, des règles avaient été mises en place mais sans aucun fondement théorique.
C'est seulement au début des années soixante-dix que Fischer Black, Myron Scholes[2] (1973) et Robert C. Merton[3] (1973) produisirent la fameuse théorie des options. Cette formule permet de lier la prime d'une option avec un nombre limité de paramètres (taux d'intérêt, caractéristiques du sous-jacent - rentabilité espérée et volatilité -, durée).
Attention :
Le cadre théorique repose sur des hypothèses ad hoc, en particulier, l'hypothèse que les cours suivent un processus brownien. Ces hypothèses ne sont pas vérifiées dans la réalité.
Fondamental :
L'adoption de cette formule pour tarifer les produits a en effet modifié substantiellement le comportement de leurs prix. En particulier, la volatilité implicite se mit à suivre exactement ce qui était prédit par la théorie. La formule de Black et Scholes[2] a performé la réalité : la réalité financière est devenue conforme à la théorie.
Complément :
Comment expliquer un tel succès alors même que d'autres modèles existaient ? Comment la théorie s'est-elle introduite dans les comportements et les pratiques individuelles et organisationnelles ?
MacKenzie[1] (2006) a mis en lumière les raisons qui ont expliqué le succès de cette formule. Il souligne la proximité des auteurs avec les praticiens qui a permis une adhésion rapide car elle répondait à des attentes. L'autre raison est la simplicité et la gratuité de cette formule.