Une histoire de la finance

La fin du XIXe siècle : une finance mondialisée

Action de la Compagnie des chemins de fer, KDL

La seconde moitié du XIXe siècle est marquée par une très forte activité financière, avec un développement des émissions de titres et d'emprunts qui accompagne une croissance économique tirée par la révolution de la vapeur, puis par la transformation de la houille.

A cela s'ajoute, à la fin du XIXe siècle, une période de stabilité monétaire qui favorise une mobilité des capitaux à travers le monde.

La spécialisation fonctionnelle entre les activités de production et les activités de financement se généralise dans tout l'Occident (Europe et Amériques) au cours du XIXe siècle. Le modèle de société par actions avec une responsabilité limitée des actionnaires se popularise à l'extérieur du Royaume-Uni. Ce statut juridique protège l'actionnaire dont la perte en cas de faillite se résume au capital apporté.

Fondamental

La construction d'infrastructures de transports (canaux, chemins de fer) nécessitant d'importants capitaux est le moteur de la structuration des marchés boursiers. Les États, engagés dans de vastes programmes de modernisation des villes et d'aménagement du territoire, recourent massivement au système financier pour se financer. Les émissions d'obligations publiques constituent une part importante des transactions financières. Les places financières de Londres, Paris et Francfort drainent les capitaux mondiaux, ce qui leur permet ainsi de lever des montants importants. Les émissions pour le compte de sociétés ou d'étrangers y sont courantes.

Complément

Les banques, les marchés financiers et les institutions complémentaires se développent en proposant des services innovants. Les banques recourent aussi massivement au financement par titres (actions et obligations). Les guichets bancaires jouent un rôle crucial de diffusion des titres auprès des épargnants, notamment ruraux. L'exemple fameux des emprunts russes constitue une illustration de cette popularité de la finance auprès des ménages français. La haute banque fait son apparition avec des institutions dédiées aux opérations d'émission de titres publics et privés, de transactions pour compte propre ou pour compte de tiers. Disposant de succursales à l'étranger, elles assurent la circulation des capitaux entre les différentes places financières et les différents pays.

Exemple

Les banques Rothschild ont tissé un réseau bancaire très efficace, construit originellement sur des liens fraternels. Mayer Amschel Rothschild crée une banque à Francfort, sa ville natale. A la fin XVIIIe siècle, si son fils Amschel conserve les rênes de la maison mère, quatre de ses autres fils installent des filiales à Londres (Nathan), Paris (Jacob qui deviendra James par la suite), Naples (Carl, né Kalman) et Vienne (Salomon). Ainsi, à l'instar des banques italiennes, ils créent un système monétaire et financier international, pratiquement indépendant des banques centrales et des États.

Complément

Cette financiarisation des économies s'accompagne d'une instabilité financière très marquée. Les bulles et les krachs financiers rythment l'histoire du XIXe siècle. Ainsi, sur les marchés de valeurs mobilières, on peut noter les crises suivantes :

  • sur les obligations ou actions émises par les sociétés de chemins de fer 1836 et 1847 à Londres, 1847 et 1857 en France, 1857 et 1873 aux États-Unis ;

  • sur les obligations étrangères : 1825 à Londres, 1888 à Paris.

RemarqueLe cas français

(Cette section s'appuie sur les chapitres 2 et 3 de l'ouvrage de Paul Lagneau-Ymonet et Angelo Riva[1]).

La Bourse de Paris est instituée par le pouvoir royal après la débâcle de la Banque Royale en 1724. Après son démantèlement à la Révolution, Napoléon Premier fonde la Bourse moderne, lieu officiel de cotation, et dote la Compagnie des agents de change du monopole de négociation des valeurs mobilières. Au cours du XIXe siècle, des bourses provinciales naissent à Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nancy, Nantes et Toulouse.

Le développement du marché financier en France se fait à partir du Second Empire (1851-1870) et surtout sous la Troisème République (1871-1913). La cote officielle comptabilise 5 actions en 1810, 50 en 1830 (dont 11 valeurs étrangères), 94 en 1850, 268 en 1869 (dont 105 étrangères), 466 en 1880 (dont 137 étrangères) et 761 en 1913 (dont 432 étrangères). En 1885, les opérations à terme sont légalisées.

La place parisienne concurrence la suprématie londonienne : de nombreux emprunts étrangers se font depuis Paris.

Le succès de la Bourse en France est aussi visible à travers la financiarisation du patrimoine des ménages français : en 1910, la part des valeurs mobilières est sensiblement équivalente à celle des biens immobiliers (40%).

  1. Lagneau-Ymonet, Paul et Riva, Angelo

    LAGNEAU-YMONET, P., RIVA, A., [2012]. Histoire de la Bourse, La Découverte, Collection Repères, Paris.

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