Une histoire de la finance

Amsterdam : une place financière dédiée au capitalisme marchand

Un négociant important de la Compagnie hollandaise des Indes orientales, Jacob Mathieusen et sa femme, 1640-1660, Aelbert CuypInformationsInformations[1]

Selon Braudel, l'avènement d'Amsterdam au XVIIe siècle signe le basculement du règne de la Méditerranée vers celui de l'Atlantique. Tout comme à Venise trois siècles plus tôt, Amsterdam est une économie-monde : y est réunie toute l'économie mondiale (marchandises, navires et capitaux). Y triomphent un système de développement économique fondé sur les compagnies privées maritimes, les banques (comme à Venise), mais aussi un marché financier.

FondamentalAmsterdam est considéré comme la première place financière. Le marché se fait d'abord en plein air, puis dans un lieu dédié à partir de 1631. Un large spectre d'opérations financières y est proposé :

  • échange d'actions (dont celles de la fameuse VOC[2], Compagnie des Indes Orientales), d'obligations et de lettres de change ;

  • échange de marchandises ;

  • transaction financière à terme : option, contrat ferme sur marchandises ;

  • assurances.

Remarque

Même si les transactions financières existaient, la Bourse d'Amsterdam était avant tout une bourse de marchandises.

Toutefois, les pratiques financières étaient en tout point comparables à celles prévalant de nos jours. Ainsi, le fameux épisode de la tulipomania (1636-1637) est la première bulle spéculative financière au cours de laquelle le prix des bulbes de tulipes s'envola avant de brutalement chuter.

Attention

Un livre « Confusion de Confusiones[3] », publié à Amsterdam en 1688 par un marchand Joseph de la Vega, nous donne une description de l'activité financière.

Nous reproduisons un extrait racontant la spéculation sur option d'achat.

Extrait de : « Confusion de Confusiones. Dialogue curieux entre un philosophe aigu, un marchand discret et un actionnaire érudit, faisant description du commerce des actions, son origine, son étymologie, sa réalité, son jeu et son intrigue, Composé par Monsieur Joseph de la Vega, qui, avec révérence et dévotion, le dédie au mérite et à la curiosité du très illustre Duarte Nunez da Costa, 1688 ».

«  Pour ce qui est des opsies (options), il s'agit de primes ou de quantités que l'on donne pour assurer les actions ou conquérir les avancées ; elles servent de bougies pour naviguer heureux dans la prospérité et d'ancres pour naviguer en sécurité dans les orages. Les actions sont à présent au prix de 580. Il me semble que du fait du grand retour que l'on attend des Indes, du grossissement de la Compagnie, de la réputation des marchandises, de la répartition qui s'annonce et de la paix en Europe, elles monteront à un chiffre beaucoup plus élevé que celui qu'elles atteignent. Je ne me résous pas cependant à acheter les parts effectives, parce que je crains que si mes desseins venaient à échouer, je pourrais être rattrapé par un précipice ou remporter quelque contrariété : je me rends auprès de ceux-là qui disent prendre ces opsies, je leur donne la quantité pour me rester obligés à me remettre chaque part à 600 jusqu'à telle échéance, j'ajuste la prime, je l'inscris ensuite en banque, et je sais que je ne peux pas perdre plus que ce que j'ai déboursé, de sorte que chaque fois qu'elles dépassent 600, je gagne, et tant qu'elles sont en dessous, je ne vois ni mon esprit angoissé, ni mon honneur inquiété, ni ma tranquillité ébranlée : si une fois approchée des 600, je change d'avis, et je pressens que tout ne s'avère pas aussi pavoisant qu'il n'y paraissait, je vends les parts sans danger, parce que toute baisse implique un gain, du fait que celui qui reçut l'argent est obligé de mes les donner aux prix convenu ; même si elles montent au-delà je n'ai à regretter d'autre perte que celle de l'opsie, ni à pleurer d'autre punition que celle de cette prime. »

Commentaires

Nous observons dans cet extrait l'explication détaillée d'une spéculation sur une option d'achat. Le spéculateur achète la possibilité d'acquérir des titres en déboursant une prime versée au vendeur de l'option. Si son anticipation se confirme, dans le cas d'une option d'achat que les prix croissent effectivement, il exercera son option en achetant les titres au prix contracté inférieur à celui du marché. En revendant immédiatement au prix du marché, il réalise un profit consécutif à la différence de prix. Si par contre son anticipation n'est pas confirmée, il perd seulement la prime.

  1. Rijksmuseum, Amsterdam, Pays-Bas

  2. VOC : Compagnie des Indes Orientales

  3. De La Vega, Joseph

    De La VEGA, J., [1688] (2013 reprint of 1957 edition), Confusion de Confusiones : Portions Descriptive of the Amsterdam Stock Exchange , translated by KELLENBENZ, H., Marino Fine Books, Eastford, Connecticut.

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