Le rôle de l'intention
Dans le jeu de l'ultimatum, le répondant refuse une offre lorsqu'il la perçoit comme inéquitable. En majorité, tous les joueurs considèrent en effet le partage égalitaire comme étant le partage équitable de la somme à distribuer. La perception du caractère inéquitable ou non d'une offre dépend en premier lieu de ses conséquences en termes de gains relatifs pour les partenaires de la négociation (l'autre obtient 8€ et moi, seulement 2€). C'est ce que met en lumière le modèle d'aversion à l'iniquité de Fehr et Schmidt (1999).
Fondamental :
La perception de l'iniquité d'une offre dépend cependant aussi de façon cruciale de l'intention sous-jacente à cette offre. Les recherches expérimentales dans le jeu de l'ultimatum montrent ainsi que le comportement de rejet est associé au caractère injuste d'une offre perçue comme inamicale (Blount, 1995)[1]. Ainsi, lorsque le répondant sait que l'autre joueur anonyme reçoit le reste de la somme à partager, la somme minimale qu'il est prêt à accepter est bien supérieure à celle qu'il accepte lorsque l'offre qui lui est proposée a été effectuée au hasard (via un processus aléatoire par ordinateur).
Exemple :
Falk, Fehr et Fischbacher (2003) et Sutter (2007) montrent que le taux de rejet d'une offre inéquitable (8, 2) est significativement plus élevé lorsque le répondant sait qu'une offre alternative amicale aurait pu lui être proposée ((5, 5) ou même (2, 8)). Ces résultats indiquent ainsi que l'intention de nuire de l'offreur est un facteur déclenchant du rejet de l'offre. Autrement dit, l'aversion à l'iniquité ne provient pas uniquement du résultat du partage de la somme mais aussi de la façon dont a été réalisé ce partage. Ce qui frappe en particulier les répondants, c'est bien le fait que les offreurs qui proposent une somme peu élevée en retirent directement un bénéfice en profitant du pouvoir de négociation que leur procure le jeu. C'est l'injustice de cette situation que sanctionne le rejet.
En théorie comportementale, il est possible d'introduire la notion d'intention en supposant que les individus forment des croyances sur les bonnes ou mauvaises intentions des joueurs. Le répondant adopte ainsi une conduite de réciprocité : s'il perçoit l'offre comme bienveillante, il l'acceptera ; si au contraire l'offre est perçue comme malveillante, il aura tendance à la rejeter davantage. Matthew Rabin (1993) est ainsi l'un de premiers auteurs à avoir proposé un modèle « d'équité intentionnelle » (Rabin, 1993) qui postule que les individus ne sont pas sensibles uniquement à l'équité des distributions finales mais également à l'intention des joueurs.