Une histoire de la finance

La finance en Grèce : le pari de Thalès de Milet et Aristote

La finance en Grèce

Grèce antique

Le terme économie est formé à partir de deux mots grecs : oikos (maison, domaine) et nomos (la règle). L'économie est ainsi l'art de diriger l'activité domestique.

Aristote (384-322 avant J.-C.) est surtout connu pour sa réflexion philosophique. Toutefois, ses ouvrages majeurs abordent aussi la question de l'économie. Il est ainsi considéré comme le premier penseur de l'économie du monde occidental. Ses thèses influenceront les pensées chrétienne et occidentale.

Fondamental

Pour Aristote, les activités monétaires et financières fondent la « chrématistique » (l'art de gagner de l'argent) qu'il condamne et qu'il oppose à l'économie de nature visant à satisfaire les besoins humains. La monnaie n'a pas pour finalité d'être désirée pour elle-même, elle est un pur instrument d'échange dont la finalité est d'être dépensée. Il refuse par conséquent la possibilité de l'intérêt puisque la quantité de monnaie empruntée sera rendue à l'identique.

Complément

Nous vous renvoyons à l'article d'approfondissement de Ragip Ege[1] figurant en conclusion de ce module pour une analyse de la question de l'interdiction de l'intérêt dans l'histoire européenne.

Remarque

La finance n'est pour autant pas totalement absente de ces manuscrits. Dans La politique, il rapporte une décision du philosophe Thalès de nature purement financière. Il s'agit du premier récit connu en Europe d'une spéculation sur produits dérivés.

Thalès de Milet et la première illustration de spéculation sur option d'achat

Aristote dans la Politique rapporte l'anecdote suivante :

« (...) l'anecdote de Thalès de Milet. Il s'agit d'une opération financière qu'on lui attribue à cause de son renom de sagesse, mais qui inclut un principe d'application générale. Comme on lui reprochait, à cause de sa pauvreté, l'inutilité de son amour de la science on rapporte qu'ayant prévu, grâce à ses connaissances astronomiques, qu'il y aurait une abondante récolte d'olives, il employa dès l'hiver le peu d'argent dont il disposait à verser des arrhes pour louer tous les pressoirs d'huile de Milet et de Chios ; en l'absence de tout enchérisseur, il les afferma à bas prix. La saison venue, comme on recherchait en même temps et sans délais, beaucoup de pressoirs, il les loua au prix qu'il voulut ; grâce à la grande fortune qu'il amassa, il prouva qu'il est facile aux amants de la science de s'enrichir quand ils le veulent mais que ce n'est pas là l'objet de leur passion. »

Aristote[2], La Politique, Livre I, Traduction de Jean Aubonnet, Collection des universités de France, Paris, 1968, page 33.

Complément

Cet extrait décrit à nouveau une option non plus de vente mais d'achat. Toutefois, à la différence de celle figurant sur la stèle d'Hammurabi, l'usage n'est plus pour se couvrir d'un risque mais vise à réaliser un profit spéculatif.

Thalès de Milet (625-547 avant J.-C.) connu pour son fameux théorème, anticipe une hausse de la production d'olives qui impliquera un usage intensif des pressoirs. Fort de cette prédiction, le loyer des pressoirs devrait donc augmenter. Thalès propose aux propriétaires des pressoirs le contrat suivant : il leur verse des arrhes (la prime de l'option) qui lui octroient la possibilité de louer les pressoirs. Il s'agit d'un contrat conditionnel dans la mesure où c'est Thalès qui décidera, le moment venu, s'il loue effectivement les pressoirs.

Remarque

L'intervention de Thalès est purement spéculative : la seule motivation de l'intervention réside dans l'anticipation d'une hausse des cours.

  1. Ege, Ragip

    EGE, R., [2013], « La question de l'interdiction de l'intérêt dans l'histoire européenne : un essai d'analyse institutionnelle », Revue Economique (à paraître courant 2013).

  2. Aristote

    Aristote [1968]. La Politique, livre I. Traduction de Jean Aubonnet, collection des universités de France, Paris, p.33.

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