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Leçon n° 8 : méthodologie de mise en œuvre de la comptabilité par activité

plan de la leçon :

1. La comptabilité par activité : méthodologie de mise en œuvre

1.1 Le recensement et la définition des activités

1.2 Valorisation des activités et des tâches principales

1.3 Construction de la matrice de corrélation entre activités et inducteurs de coûts

2. Détermination du coût des produits

Exposé :

L’objet de cette leçon est de présenter, de manière concrète comment mettre en œuvre une comptabilité par activité. Nous commencerons par présenter la méthodologie dans un premier temps et détaillerons dans un second temps, les calculs nécessaires pour établir le coût d’un produit.

1.  La comptabilité par activité : méthodologie de mise en œuvre

La méthodologie reprend les quatre phases décrites dans la leçon 7. Il est cependant utile d’apporter quelques précisions sur trois points : le recensement des activités, leur valorisation et la construction de la matrice de coûts.

1.1  Le recensement et la définition des activités

Cette étape est vraisemblablement la plus importante et la plus compliquée à mener dans la mise en place d'une comptabilité par activité. Elle consiste à recenser l'ensemble des processus de l'entreprise qui découlent des objectifs de l’entreprise. Ceux-ci ne recouvrent pas forcément les découpages hiérarchiques et sont segmentés par activités. Ces dernières doivent systématiquement déboucher sur un « output », c'est-à-dire un produit ou un service. A un processus correspond normalement une ou plusieurs activités, lesquelles sont elles-mêmes décomposées en tâches dont le résultat est l’output destiné à une personne, un service ou un atelier.

Afin de concevoir le tableau global des activités, il est nécessaire d’adopter une démarche semblable dans l’esprit, à celle d’un audit :

1°) il convient d’abord de prendre connaissance de l’entreprise en établissant une représentation des activités. A cette fin, on procède à une analyse des flux et des fonctions à un niveau global, éventuellement en partant d'un modèle normatif existant, tel que l’organigramme de la société. Cette étape doit permettre d’organiser le travail d’audit en définissant les processus ;

2°) on procède ensuite à une analyse descendante sur la base de ce modèle. Celle-ci est réalisée à l’aide d’interviews, en s'aidant généralement d'un questionnaire. On part des niveaux d'agrégation les plus importants, en descendant jusqu'au niveau hiérarchique correspondant au degré de détail souhaité. En pratique, il semble qu’il ne soit pas utile, ni même pertinent de descendre à un niveau hiérarchique trop bas, sous peine de perdre de vue l’essentiel. Ceci doit permettre de concevoir un modèle de l’entreprise fondé sur les activités. La représentation peut prendre la forme d’une matrice croisant fonctions et processus au sein desquels se succèdent les activités (cf. infra) ;

3°) il convient naturellement de valider et corriger le modèle en s’assurant que la perception de « l’auditeur » correspond bien à la réalité décrite par les membres de l'organisation. Une analyse à la base, par l'observation et des questionnaires peut être conduite à cet effet ;

4°) on procède au tri des activités qui apparaissent fondamentales. Cela se traduit immanquablement par le regroupement des activités dont le comportement est semblable et l’élimination de celles pouvant être considérées comme non significatives. Une dernière étape avant d’entamer les calculs consiste à vérifier la cohérence et l'intégrité du résultat final avec les responsables des services concernés.

La méthode permet ainsi d'établir un tableau global des activités pour l'entreprise, dont nous présentons ci-après un exemple :

La société Zeltronic (cf. cas de la leçon 5) commercialise des composants électroniques. Elle a connu une expansion rapide au cours de ces dix dernières années. Cependant, confrontés à une conjoncture difficile, les dirigeants veulent entreprendre un important effort de ratio­nalisation et en particulier, ils s’interrogent sur la pertinence de leur système de coûts. Très intéressés par la méthode des coûts par activité, ils désirent la mettre en œuvre à titre expérimental sur deux produits A et B dont les coûts supposés sont l’objet des plus vives suspicions. Actuellement le coût unitaire du produit A, calculé en coût complet par la méthode classique des centres d’analyse est de 483,65 €, ce qui laisse une petite marge bénéficiaire de 6,35 € par produit pour un prix de vente de 490 €, tandis que le produit B donne un résultat de 137,50 € par produit pour un prix de vente de 815 €. On conçoit notamment que la faible marge réalisée sur le produit A puisse inquiéter les dirigeants. Ils ont fait appel à un cabinet de consultants extérieurs qui ont procédé aux premières investigations et ont mis en évidence un certain nombre d’activités, associées aux principales fonctions. Ces résultats sont livrés dans le tableau ci-après :

Fonctions Activités

Approvisionnement

Gestion des matières, Gestion des composants, Gestion des pièces

Usinage

Réglage des machines, Planification des ordres, Lancement des fabrications, Maintenance

Montage

Montage manuel, Montage automatisé, Gestion des lots, Maintenance

Distribution

Contrôle qualité, Expédition

Administration

Organisation générale

Ce travail effectué, il faut encore valoriser les activités, de manière à déterminer le coût des inducteurs.

1.2  Valorisation des activités et des tâches principales

La valorisation des activités consiste à rechercher les éléments de coûts constitutifs de ces dernières. Celle-ci peut s'effectuer à partir des fiches de temps passé, ou plus simplement grâce à une ventilation des effectifs entre les différentes tâches. Il est également nécessaire de recenser tous les coûts directs associés à l'activité ou à la tâche : main-d’œuvre, prestations externes, coûts des surfaces, immobilisations. Cette démarche doit permettre de recenser les inducteurs de coûts potentiels. On peut citer pêle-mêle et à titre d'exemples :

Pour chaque centre de responsabilité de la société Zeltronic ont été recensées les activités les plus pertinentes et les plus représentatives en termes d’évolution de coûts indirects. Puis les coûts de chaque centre ont été ventilés entre les activités s’y rapportant, comme en témoigne le tableau suivant :

Centres

Coûts totaux (k€)

Activités

Coûts des activités (k€)

Approvisionnement

900

Gestion des matières

280

 

Gestion des composants

255

 

Gestion des pièces

365

Usinage

1 200

Réglage des machines

110

 

Planification des ordres

264

 

Lancement des fabrications

625

 

Maintenance

201

Montage

2 500

Montage manuel

1 237,5

 

Montage automatisé

775

 

Gestion des lots

412,5

 

Maintenance

75

Distribution

350

Contrôle qualité

210

 

Expédition

140

Administration

800

Organisation générale

800

Les caractéristiques des inducteurs de coûts sont détaillées dans le tableau suivant :

Activités Volume des inducteurs Inducteurs de coûts

Approvisionnement

Gestion des matières

Gestion des composants

Gestion des pièces

38 500

10 pour A et 5 pour B

50 000

Quantités achetées

Nombre de commandes

Quantités achetées

Usinage

Réglage des machines

Planification des ordres

Lancement des fabrications

Maintenance

200 lots pour A et 75 pour B

200 lots pour A et 75 pour B

6 000

15 pour A et 10 pour B

Nombre de lots

Nombre de lots

Heures machines

Nombres d’interventions

Montage

Montage manuel

Montage automatisé

Gestion des lots

Maintenance

9 500

1 250 HM dont 500 pour A

200 lots pour A et 75 pour B

15 pour A et 10 pour B

Heures de MOD

Heures machines

Nombre de lots

Nombres d’interventions

Distribution

Contrôle qualité

Expédition

312,5 H dont 1 H/lot pour A

200 lots pour A et 75 pour B

Temps de contrôle

Nombre de lots

Administration

Organisation générale

22 025 000

Chiffre d’affaires

Il est précisé que les coûts de gestion des matières et pièces achetées évoluent strictement dans les mêmes proportions. Il sera donc possible de les regrouper dans une seule et même activité.

1.3  Construction de la matrice de corrélation entre activités et inducteurs de coûts

Cette tâche consiste à croiser les différentes activités aux inducteurs de coûts révélés par l'analyse. Généralement, le plus simple est de construire une matrice à l’exemple du tableau suivant :

La matrice de corrélation des activités et inducteurs de coûts de la société Zeltronic se présente comme suit :

 

Inducteurs de coûts

Activités

Quantités achetées

Nombre de com-mandes

Nombre de lots

Heures machines

usinage

Heures machines

montage

Nombre d'inter-ventions

Heures de MOD

Temps de contrôle

Chiffre d'affaires

Approvi-sionnement

                 

Gestion des matières

×                

Gestion des composants

  ×              

Gestion des pièces

×                

Usinage

                 

Réglage des machines

    ×            

Planification des ordres

    ×            

Lancement des fabrications

      ×          

Maintenance

          ×      

Montage

                 

Montage manuel

            ×    

Montage automatisé

        ×        

Gestion des lots

    ×            

Maintenance

          ×      

Distribution

                 

Contrôle qualité

              ×  

Expédition

    ×            

Administra-tion

                 

Organisation générale

                ×

Dans un second temps, il convient naturellement de calculer la valeur des inducteurs de coûts en rapportant la valeur induite par chaque type d'activité à la quantité d'inducteur de coûts.

Une fois les activités regroupées lorsqu’elles dépendent d’un même inducteur de coût, Il est alors possible, de déterminer la valeur des inducteurs de coûts, ainsi qu’il est résumé dans le tableau suivant :

Calcul du coût des inducteurs
Activités Inducteurs de coûts Coût des activités Volume des inducteurs Coût de l'inducteur

Gestion des matières et pièces

Quantités achetées

645 000

88 500

7,28814

Gestion des composants

Nombre de commandes

255 000

15

17000

Gestion des lots

Nombre de lots

926 500

275

3369,09091

Lancement des fabrications

Heures machines

625 000

6 000

104,16667

Montage manuel

Heures de MOD

1 237 500

9 500

130,26316

Montage automatisé

Heures machines

775 000

1 250

620

Gestion de la qualité

Temps de contrôle

210 000

313

672

Maintenance usinage

Nombre d'interventions

276 000

25

11040

Organisation générale

Chiffre d'affaires

800 000

22 025 000

0,03632

Ces calculs réalisés, la préparation du travail peut être considérée comme terminée et l’on peut passer à la valorisation des objets de coûts : clients, produits, canaux de distribution, etc. Toutefois, nous limiterons nos calculs à l’estimation du coût de revient des produits.

2.  Détermination du coût des produits

Plusieurs solutions peuvent être retenues pour calculer le coût du produit. On peut ainsi, à travers les activités retrouver les traditionnels coûts d’achat, de production et de revient, ce qui permet d’établir un comparatif avec les coûts obtenus par la méthode traditionnelle. Pour respecter le schéma initial de la comptabilité par activité, nous conserverons une présentation en deux ensembles, coûts directs d’une part et coûts indirects, d’autre part.

Le processus de production de la société zeltronic est organisé en juste à temps et ses caractéristiques sont les suivantes :

Organisation du processus productif

Les produits A et B transitent par deux ateliers, usinage puis montage. Au cours de leur passage dans le centre montage, partiellement automatisé, il leur est adjoint une pièce spécifique en des proportions différentes pour les transformer en produits finis. Les consommations de ressources pour chacun des produits sont les suivantes :

  Produit A Produit B
  Quantités Prix Quantités Prix

Matière première X

0,25 kg

60 € le kg

0,40 kg

60 € le kg

Matière première Y

1 kg

88 € le kg

0,50 kg

88 € le kg

Composants P.O

1 unité

25 €

_

_

Composants P.L

_

_

1 unité

65 €

Phase usinage

       

Main‑d’œuvre directe

0,01 h

75 €

0,005 h

75 €

Autres charges directes

 

15 F/unité A

 

20 F/unité B

Phase montage

       

Pièces P.T. 

1

125 €

2

125 €

Main‑d’œuvre directe

0,25 h

80 €

0,30 h

80 €

Autres charges directes

 

50 €/unité A

 

60 €/ unité B

La phase de production terminée, les produits finis transitent dans le centre de distribution où ils subissent un contrôle qualité avant leur expédition auprès de la clientèle.

Production de la période

Quantités produites et vendues :

Achats de la période étudiée : quantités et prix d’achat

  Quantités achetées Prix d’achat unitaires

Matières premières X

11 000 kg

60 € le kg

Matières premières Y

27 500 kg

88 € le kg

Composants P.O.

20 000 unités

25 € l’unité

Composants P.L.

 15 000 unités

65 € l’unité

Pièces P.T.

50 000 unités

125 € l’unité

Achats de la période étudiée et nombre de commandes

 

Quantités achetées

Nombre de commandes

Prix d’achat unitaires

Matières premières X

11 000 kg

8

60 € le kg

Matières premières Y

27 500 kg

12

88 € le kg

Composants P.O.

20 000 unités

10

25 € l’unité

Composants P.L.

15 000 unités

5

65 € l’unité

Pièces P.T.

50 000 unités

20

125 € l’unité

A partir de ces données et des différents calculs effectués plus haut, on peut établir directement le tableau des coûts des produits A et B, comme suit :

Détermination des coûts de production des produits A et B
Coûts directs de production Produit A Produit B
Quantités Coût unitaire Montant Quantités Coût unitaire Montant

Matière première X

5 0001

60

300 000

6000

60

360 000

Matière première Y

20 000

88

1 760 000

7500

88

660 000

Pièces PT

20 000

125

2 500 000

30000

125

3 750 000

Composants PO

20 000

25

500 000

     

Composants PL

     

15000

65

975 000

Main d'œuvre directe usinage

200

75

15 000

75

75

5 625

Main d'œuvre directe montage

5 000

80

400 000

4 500

80

360 000

Autres charges directes usinage

20 000

15

300 000

15 000

20

300 000

autres charges directes montage

20 000

50

1 000 000

15 000

60

900 000

Coûts des activités

           

Gestion des matières et pièces

45 000

7,28814

327 966

43 500

7,28814

317 034

Gestion des composants

10

17000

170 000

5

17000

85 000

Lancement des fabrications

3 000

104,16667

312 500

3 000

104,16667

312 500

Montage manuel

5 000

130,26316

651 316

4 500

130,26316

586 184

Montage automatisé

500

620

310 000

750

620

465 000

Maintenance matériel

15

11 040

165 600

10

11 040

110 400

Gestion des lots

200

3369,09091

673 818

75

3369,09091

252 682

Contrôle qualité

200

672

134 400

112,5

672

75 600

Coûts de production A et B

20 000

476,03000

9 520 600

15 000

634,33500

9 515 025

Organisation générale

9 800 000

0,03632

355 959

12225000

0,03632

444 041

Coût de revient des produits

20 000

493,82796

9 876 559

15 000

663,93772

9 959 066

Prix de vente

20 000

490

9 800 000

15 000

815

12 225 000

Résultats analytiques

20 000

- 3,82796

-  76 559

15 000

151,06228

2 265 934

         

Total =

2 189 375

1Les quantités par produit sont calculées en appliquant la quantité unitaire par le nombre de produits fabriqués, ainsi : le produit A a requis 0,25 × 20 000 = 5 000 kg de matières X.

A l’examen de ce tableau, qu’il convient de comparer à ceux calculés dans la leçon 5 pour le même exercice traité en coûts complets, on constate effectivement des phénomènes de transfert de coûts : il en résulte que le produit A qui était tout juste rentable dans le calcul en coûts complets traditionnels, devient déficitaire lorsqu’il est estimé par la méthode des coûts par activité. Les transferts sont imputables à plusieurs facteurs. Citons en particulier, l’approvisionnement : en comptabilité par activités la répartition se fait sur les quantités et le nombre de commande et non plus en fonction de la valeur des matières, pièces et composants commandés comme c’était le cas en comptabilité par centres d’analyse. Ce choix tient évidemment mieux compte de la réalité du travail : plus les volumes sont importants, plus le temps passé à la gestion (physique et administrative) est lourd, pour des éléments comparables. Dès lors, le produit A étant fabriqué en plus grand nombre que le produit B, ceci suffit pour augmenter substantiellement le poids des charges liées à l’approvisionnement du produit A (autour de 70 000 €, ce qui fait près de 3,50 € par produit). De même, toutes les opérations fondées sur la répartition des lots en comptabilité par activités, lesquels concernent le réglage des machines, la planification des ordres, la gestion des lots proprement dit et l’expédition se traduisent par des transferts importants. Antérieurement, ces activités dépendaient principalement des centres usinage et distribution et se traduisaient par une répartition quasi égalitaire. Dans le nouveau système, la répartition se fait sur la base de 200 lots pour A contre 75 lots pour B, soit près de trois fois plus pour le premier. Rien d’étonnant dès lors, à ce que les charges du produit A augmentent jusqu’à le rendre déficitaire…

Cet exemple montre bien que la manière d’affecter les coûts peut avoir un retentissement important sur la rentabilité supposée du produit. Le cas a été volontairement simplifié dans un but pédagogique, étant entendu que l’on peut proposer d’autres présentations des calculs. On aurait pu ainsi, mieux faire ressortir le coût des produits intermédiaires, comme cela est fait en coûts complets.