Analyse comparative des systèmes de santé
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Fixation du prix du médicament

Le principe de fixation du prix du médicament

Le médicament est pris en charge par la Société, ce qui implique un contrôle de Pouvoirs publics pour la fixation de son prix et des conditions de son remboursement. Ceci modifie les règles économiques qui prévalent pour la distribution des autres produits et services.

Pour tout produit de consommation, depuis l'ordonnance du 1er décembre 1986, le contrôle des prix a été levé. Le niveau de prix résulte de l'ajustement de l'offre et de la demande et est librement déterminé par le jeu de la concurrence. Le prix d'un produit est classiquement déterminé en fonction du prix de revient, de la nature du produit, de la concurrence et de la clientèle. Au final, c'est le consommateur qui choisit.

Pour le médicament remboursable, les règles économiques sont paradoxales. En effet, pour le fabricant, le laboratoire pharmaceutique, les prix sont négociés. Il est bien évident que le prix d'un médicament n'est pas uniquement relié à son coût de production, mais intègre les frais considérables de recherche et développement, nécessaires à la mise au point de nouvelles molécules, y compris les échecs. Les prix des médicaments remboursables aux assurés sociaux sont fixés par convention entre l'entreprise et le Comité économique des produits de santé (CEPS).

La prise en charge par l ‘Assurance Maladie et le prix fixé par convention de chaque spécialité mise sur le marché sont des enjeux cruciaux pour le laboratoire pharmaceutique. La politique conventionnelle initiée depuis 1994 entre l'État et l'industrie pharmaceutique vise à réguler les dépenses d'Assurance Maladie, le strict contrôle des prix pratiqué auparavant (les prix étaient fixés administrativement) ayant abouti à une course aux volumes (les prix bas accordés étaient compensés par des volumes de vente importants, d'où l'incitation à la prescription).

Le processus de fixation du prix du médicament

La fixation des prix et de remboursement des médicaments en France est subordonné en France à un processus strict :

  • La prise en charge ou le remboursement des médicaments sont subordonnés à leur inscription sur une liste positive établie et mise à jour par arrêté conjoint du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de la Sécurité sociale. Il existe une liste pour les médicaments délivrés dans les établissements de santé (médicaments agrées aux collectivités) et une liste pour les médicaments délivrés en pharmacies d'officine (médicaments remboursables aux assurés sociaux).Un même médicament peut être inscrit sur une seule ou sur les deux listes. L'inscription sur ces listes se fait à la demande du laboratoire exploitant et est accordée pour 5 ans. C'est la Commission de la Transparence qui propose, sous forme d'avis, l'inscription des médicaments remboursables, de même que le taux de remboursement.

    L'examen se fait indication par indication. L'avis sur le bien fondé de l'inscription repose sur l'appréciation du service médical rendu (SMR) par le médicament évalué par la Commission de la Transparence, qui donne un avis sur le taux de prise en charge en tenant compte de:

    • la nature de l'affection traitée, notamment son degré de gravité

    • du niveau d'efficacité et du rapport bénéfices/risques du médicament

    • des alternatives thérapeutiques existantes

    • de la place du médicament dans la stratégie thérapeutique, notamment au regard des autres thérapies disponibles

    • le caractère préventif, curatif ou symptomatique du traitement médicamenteux

    • l'intérêt pour la santé publique

    Le SMR est qualifié de majeur ou important, modéré, faible, insuffisant pour justifier le remboursement.

  • La commission de la Transparence apprécie également l'Amélioration du Service Médical Rendu (ASMR) apportée par la spécialité. L'ASMR est appréciée par une évaluation comparative prenant en compte l'efficacité et la tolérance du médicament par rapport aux médicaments jugés comparables. L'ASMR est un des éléments pris en compte par le Comité Économique des Produits de Santé (CEPS) pour la fixation du prix du médicament.

  • La Commission de la Transparence précise aussi la population cible, c'est à dire l'estimation du nombre de patients relevant des indications thérapeutiques pour lesquelles la Commission estime l'inscription fondée, selon les données épidémiologiques disponibles. Elle apprécie le caractère approprié du conditionnement, au regard de la posologie et de la durée du traitement. Un taux de prise en charge est proposé (article R.322-1du code de la sécurité sociale) :

    • le taux est de 100% dans le cas d'un traitement indispensable/non substituable et d'une maladie mettant en jeu le pronostic vital

    • le taux est de 65 % est proposé dans le cas d'un traitement efficace et d'une affection grave

    • dans les autres cas, le taux sera de 35 %

Au total, la commission donne un avis lors de la demande de première inscription, mais également pour toute demande de modification des conditions d'inscription (par exemple en cas d'extension d'indications), lors du renouvellement de l'inscription, avant toute radiation de la liste. Par ailleurs, la commission peut, à la demande du ministre, donner un avis sur le maintien d'un médicament sur la liste ou opérer une réévaluation du SMR de l'ensemble d'une classe à sa propre initiative ou à la demande du Ministre. Elle élabore les fiches de transparence qui seront remises par les visiteurs médicaux aux médecins, ainsi que les fiches d'information thérapeutique relatives aux médicaments pris en charge selon la procédure de médicament d'exception. Elle a également pour mission de donner un avis sur certains documents d'informations ou de recommandations à l'usage des praticiens (notamment les Recommandations de Bonnes Pratiques)

Circuit réglementaire des médicaments remboursables en France
Circuit réglementaire des médicaments remboursables en France
Circuit réglementaire des médicaments vendus aux hôpitaux en France
Circuit réglementaire des médicaments vendus aux hôpitaux en France

La fixation des prix : un enjeu crucial pour la maîtrise des dépenses de santé

Le prix de vente au public des médicaments remboursables par la Sécurité sociale est donc fixé par convention entre l'entreprise exploitant le médicament et le comité économique des produits de santé (CEPS).

La fixation du prix d'une spécialité (article L.162-16-4 du code de la sécurité sociale) tient compte principalement de l'amélioration du service médical rendu (ASMR) apportée par le médicament, des prix des médicaments à même visée thérapeutique, des volumes de vente prévus ou constatés ainsi que des conditions prévisibles et réelles d'utilisation de ce médicament, mais aussi sur le volume et les actions de promotion dont la spécialité fait l'objet et sur les économies engendrées par la spécialité dans la pathologie concernée. Le CEPS a donc une double mission : conclure avec les entreprises des conventions relatives au prix des médicaments ainsi qu'à leur évolution et fixer les prix des médicaments donnant lieu à un remboursement.

Dans la mesure où seuls les médicaments qui apportent une ASMR ou des économies dans le coût du traitement peuvent faire l'objet d'un remboursement, on en déduit que les médicaments d'ASMR V ne peuvent être inscrits qu'à un prix inférieur à ceux de la classe pharmaco-thérapeutique de référence. Le prix des médicaments très innovants, d'ASMR I à III est fixé à un niveau cohérent avec les prix européens (niveau de prix ne doit pas être inférieur au prix le plus bas parmi ceux pratiqués sur les 4 marchés européens comparables, à savoir l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, le Royaume-Uni – accord –cadre 2003-2006).

Cet encadrement des prix se retrouve dans la plupart des pays européens. On peut noter que même les pays qui ont choisi une liberté des prix pour les médicaments remboursables ont mis en place des systèmes de régulation pour encadrer les dépenses (des prix libres, mais un profit contrôlé au Royaume-Uni, un prix de référence en Allemagne, par exemple).

La convention fixe également un volume de ventes médicalement justifiées. La publicité auprès des professionnels de santé est surveillée par un contrôle a posteriori, elle ne doit pas entraîner de surconsommation et doit respecter le bon usage du médicament, en particulier les indications de l'AMM. Le non respect de l'engagement est sanctionnable (volumes de vente supérieurs, par exemple) une révision de prix est alors imposée. Ainsi, contrairement aux autres secteurs d'activité, non seulement le fabricant ne fixe pas réellement son prix , mais il est en quelque sorte pénalisé si son chiffre d'affaires augmente par « effet volume ».

Article "Le marché du Médicament dans 5 pays européens"

Rôle des acteurs du secteur pharmaceutique sur les prix

Dans le secteur pharmaceutique les distributeurs et les clients exercent donc peu de pression sur les prix. Ce sont essentiellement les politiques gouvernementales de protection sociale qui encadrent le prix fixé par le fabricant au travers du remboursement de médicaments. On note actuellement une évolution des systèmes, les organismes de sécurité sociale se comportant de plus en plus comme des acheteurs et non plus comme de simples payeurs , ils apparaissent les véritables régulateurs du marché dans la mesure où l'essentiel du marché est composé de spécialités remboursables.

  • Pour les grossistes répartiteurs, la marge est fixée par les Pouvoirs publics. C'est une marge dégressive. Pour les médicaments remboursables (hors génériques non soumis à TFR), elle est fixée actuellement à :

    • 10,3 % du prix fabricant hors taxe (PFHT ) pour la tranche de prix de 0 à 22,90 €

    • 6% entre 22,90€ et 150 €

    • 2 % au delà

L'arrêté du 21 février 2004 a en effet créé une troisième tranche de rémunération en raison du passage en ville des médicaments sortis de la réserve hospitalière, qui sont très coûteux.

Les grossistes répartiteurs sont dans l'obligation pour des raisons évidentes de santé publique de respecter des obligations de service public : déclaration du territoire de distribution, assortiment d'au moins 90% des médicaments effectivement exploités en France, détention de 15 jours de stocks pour approvisionner les officines de son territoire, et livraison dans les 24 heures de la commande d'une officine de leur clientèle.

  • Pour la distribution au détail, qui fait elle aussi l'objet d'un monopole pharmaceutique, il n'y a pas non plus de réelle politique de prix. Le pharmacien hospitalier est un salarié dont la rémunération ne dépend pas du prix des médicaments qu'il délivre. Pour les pharmaciens d'officine, les marges sont fixées, au mieux négociées par les Pouvoirs publics. Longtemps proportionnelle au prix fabricant hors taxes, elle est désormais décomposée en tranches de prix hors taxes (marge dégressive lissée) :

    • 26,1% du prix fabricant hors taxe (PFHT ) pour la tranche de prix de 0 à 22,90 €

    • 10 % entre 22,90 € et 150 €

    • 6 % au delà de 150 €

    • un forfait de 0,53 € par conditionnement

Les pharmaciens d'officine doivent honorer toutes les prescriptions. Ils ne choisissent donc pas le référencement des médicaments remboursables. Les politiques commerciales sont, elles aussi, encadrées. Ainsi il existe un plafonnement des remises, ristournes et avantages commerciaux et financiers assimilés de toute nature accordées au pharmacien d'officine par le grossiste- répartiteurs ou par les laboratoires. Cet encadrement des ristournes est rare d'un point de vue économique, en général il est logique de tenir compte de l'importance de la commande pour bénéficier de conditions plus favorables. La publicité auprès du public est interdite pour le médicament remboursable.

Le pharmacien d'officine joue également un rôle économique. Il ne peut délivrer en une seule fois une quantité de médicaments correspondant à une durée de traitement supérieure à quatre semaines ou à trente jours de traitement selon le conditionnement. Le pharmacien est tenu de délivrer le conditionnement le plus économique compatible avec les mentions figurant sur l'ordonnance. Le codage des médicaments mis en place par les caisses d'Assurance Maladie, permet de connaître exactement les médicaments délivrées par les pharmaciens d'officine et entraîne la mise en œuvre d'études spécifiques concernant les prescriptions (par exemple, étude de la consommation des anti-inflammatoires non stéroïdiens). Ainsi il existe parfois un conflit entre la responsabilité professionnelle du pharmacien revendiquée dans l'exercice de son art (délivrer trois petits conditionnements plutôt qu'un seul grand pour faciliter l'observance, avance de médicaments par le pharmacien et régularisation, ...) et la responsabilité économique qui lui est imposée.

Les conséquences d'une totale liberté des prix

La liberté des prix existe pour certaines catégories de médicaments. On peut se demander quelles seraient les conséquences d'une totale liberté des prix. On peut s'appuyer sur l'exemple fourni par la libéralisation des prix des médicaments non remboursés et sur celui des médicaments hospitaliers.

- Pour les médicaments hospitaliers les prix sont négociés par appels d'offres. Le choix de ce canal peut être imposé par les Pouvoirs publics. Ainsi la France a décidé de réserver à l'usage hospitalier certains produits innovants pour continuer à les évaluer. Le marché hospitalier concerne préférentiellement deux types de médicaments : les médicaments innovants pour des pathologies graves pour des raisons de réserve hospitalière de droit ou de fait et les médicaments d'usage courant dont les quantités achetées sont importantes.

Les médicaments vendus aux hôpitaux sont soumis à une réglementation prévue par le Code de la Santé Publique (agrément aux collectivités). Depuis 1987, leurs prix sont libres et les achats par les établissements publics de santé sont régis par le Code des Marchés Publics. La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2004 a confié au CEPS le soin de fixer le prix auquel les établissements de santé peuvent vendre des médicaments aux patients en ambulatoire dans le cadre de la rétrocession. Il s'agit de médicaments, réservés à l'usage hospitalier, qui sont prescrits par les médecins de l'hôpital aux malades qu'ils suivent à l'issue d'une hospitalisation ou en consultation et que le malade achète à la pharmacie de l'hôpital. La mise en œuvre de la tarification à l'activité (T2A) et l'organisation de la rétrocession dans les établissements de soins remet en cause cette liberté de prix pour les produits dits innovants et coûteux non pris en charge par la T2A et les produits rétrocédés. Les modalités de déclaration de prix de ces deux catégories de médicaments ont été définies dans un accord-cadre hôpital signé entre l'État et les entreprises du médicament le 30 mars2004. Cette part représente approximativement 50% du marché hospitalier. Cet accord cadre a par ailleurs fait l'objet d'un avenant signé le 19 juin 2006. Les entreprises doivent déclarer au CEPS le prix qu'elles prévoient de pratiquer.

Les pharmaciens hospitaliers, responsables de la gestion et de l'approvisionnement choisissent les médicaments selon des critères scientifiques et économiques en collaboration avec les médecins et les gestionnaires dans le cadre de comités de médicaments. Afin de pouvoir référencer les produits innovants très coûteux, le pharmacien hospitalier essaie d'obtenir des prix pour les médicaments courants, l'enveloppe globale n'étant pas extensible, il doit concilier les exigences de santé publique et les contraintes économiques.

-Les médicaments de médication familiale Ils regroupent l'ensemble des spécialités non remboursables, ne nécessitant pas de prescription médicale car concernant des pathologies bénignes. Les médicaments qui ne sont plus remboursés bénéficient d'une liberté des prix.

Le marché de l'automédication est peu dynamique en France. La France est le seul pays développé où l'automédication régresse ce qui conduit le Gouvernement en avril 2006 à promouvoir des actions en faveur de l'automédication préparées par le Leem et l'AFIPA. En 2006 elle a représenté en France (d'après l'AFIPA) 1,8 milliard d'euros, soit 6% des achats de médicament à la pharmacie et 406 millions de boîtes vendues, soit 12,7% des boîtes vendues en pharmacies.

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L'absence de dynamisme de ce marché peut s'expliquer par une réglementation trop contraignante, notamment le monopole pharmaceutique et l'interdiction du libre accès dans les officines (article R.4235-55 du CSP), mesure prises pour protéger la santé publique, le conseil du pharmacien étant indispensable, même pour des pathologies bénignes. De plus, il faut reconnaître que les Français ne sont pas habitués à payer leurs médicaments puisqu'ils sont en majorité pris en charge par les organismes de protection sociale et que l'écart de prix est important entre une spécialité remboursable et une spécialité non remboursable, ce qui n'incite pas le patient à prendre en charge les petites pathologies.

Nos partenaires européens ont libéré partiellement ce secteur à l'occasion de la construction du marché unique, sans préjudice pour la santé publique. Actuellement le débat est ouvert avec la proposition récente de favoriser l'auto-médication en autorisant le libre accès aux spécialités dans l'espace de vente devant le comptoir. De plus, avec les déremboursements d'un certain nombre de spécialités, les patients vont prendre l'habitude de prendre en charge les médicaments pour certaines pathologies, comme le rhume , la diarrhée, la toux ou la douleur, comme le font déjà leurs voisins européens.

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