Les dynamiques du commerce et de la distribution

Comment évoluent les formes de commerce dans le temps ?

Avant d'aborder les formes d'innovations commerciales qui permettent de relancer l'intérêt des consommateurs, nous allons aborder des théories qui cherchent à expliquer les variations de performance de telle ou telle forme de commerce.

La roue du commerce

Qu'est-ce ?

En 1958, un chercheur américain Mc Nair ( McNair, 1958[1]) propose une explication au phénomène d'apparition et de déclin des formes de commerce sous forme d'un cycle.

La roue du commerce

Guillaume Vernhet, IAE La Rochelle Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Partage des Conditions Initiales à l'Identique

Phase 1 - l'apparition d'une nouvelle forme de commerce

  • promesse de prix bas, donc recherche des coûts les plus faibles possible ;

  • structure légère, simple et peu coûteuse ;

  • charges non liées à la vente (les frais généraux) faibles.

Le nouveau commerce peut donc prospérer en proposant des prix bas.

Cependant son succès ne manquera pas d'attirer des concurrents prompts à le copier...

Phase 2 - la banalisation par la concurrence

  • efforts de différenciation par l'aménagement des points de vente ou l'extension des services ;

  • complexification de l'organisation ;

  • augmentation des charges non liées à la vente.

Les coûts liés à la différenciation impliquent une augmentation des marges donc des prix.

Phase 3 - la vulnérabilité

  • Coûts et prix trop élevés ;

  • L'organisation complexe s'adapte difficilement aux évolutions des consommateurs.

En créant une insatisfaction sur le niveau des prix, cette phase ouvre la voie à l'apparition d'une nouvelle forme de commerce plus agressive sur les prix.

Retour à la phase 1

RemarqueLimites de cette approche

L'aspect mécaniste de la roue du commerce néglige les efforts qui peuvent être entrepris par une forme de commerce pour se relancer ou une enseigne pour conserver son avantage prix.

La théorie de l'accordéon

Origine

Stanley Hollander [2] publie en 1966 un article dans lequel il constate que les formes de commerce de détail évoluent entre deux formes bien différenciées :

  1. l'offre large et peu profonde des commerces généralistes, par exemple l'hypermarché.

  2. l'offre étroite et profonde des spécialistes, par exemple une grande surface spécialisée.

Depuis les années 1980, l'alternance s'observe de manière moins claire. Signe de maturité de la vente en magasin ?

Cette approche n'aborde pas la dématérialisation de tout (click) ou partie des points de vente (click & mortar) par la vente à distance. La question est ici de savoir si la distinction des points de vente par l'offre disponible en magasin a encore un sens ?

L'innovation commerciale

Une typologie des innovations

D'un point de vue marketing, Dupuis, 1998[3] distingue quatre types d'innovations des distributeurs :

L'innovation de concept

Consiste à créer un avantage concurrentiel lié au front office (lieu où se rencontrent les consommateurs et le personnel du distributeur). Ce type d'innovation améliore le service de distribution fourni.

Exemple

Proposer un service au volant (drive) pour satisfaire la clientèle peu disponible (exemple).

L'innovation de flux

Distribuer consiste à faire le lien entre de nombreux producteurs et de nombreux consommateurs géographiquement disséminés. L'innovation de flux permet d'améliorer l'efficacité de cette chaîne d'approvisionnement.

Exemple

Faire baisser les coûts d'approvisionnement des magasins ou de préparation des commandes dans les entrepôts.

L'innovation organisationnelle

Consiste à mettre en place de nouvelles formes de relations entre les différentes fonctions et acteurs impliqués dans la distribution. Ce type d'innovation se traduit par un changement des structures des entreprises et des méthodes d'utilisation des ressources.

Exemple

Edouard Leclerc bouleverse le commerce avec son organisation fondée sur des indépendants propriétaires de leur magasin.

L'innovation relationnelle

Elle entraîne une transformation des liens entre le commerçant et ses clients.

Exemple

Les compagnies aériennes traditionnelles développent des programmes de fidélisation pour tisser des liens avec leurs meilleurs clients.

Les compagnies low-cost insistent sur le lien utilitaire avec leurs clients : on vous transporte au meilleur prix.

RemarqueInnover, pour qui ?

L'innovation n'est généralement pas demandée par les consommateurs. Elle est proposée par le distributeur en réponse à des attentes identifiées. Avant de lancer le processus, l'innovateur doit chercher à répondre à deux grandes questions :

  • Qui sera prêt à payer pour cette innovation (directement par une facturation ou indirectement par des prix plus élevés) ?

  • Combien ces consommateurs sont-ils prêts à payer ? Ce qui revient à la question : quelle valeur attribuent-ils à cette innovation ?

ExempleDes services coûteux mais gratuits

En quelques années le service de livraison à domicile par colis qui était toujours facturé en plus des achats a vu sa valeur décroître dans l'esprit du consommateur. Car les offres "sans frais de port" se sont multipliées surtout dans le commerce en ligne.

Les consommateurs prêts à payer pour ce service sont de moins en moins nombreux et le montant qu'ils acceptent de payer est de plus en plus faible. Le coût de la livraison doit donc être absorbé par les marges ce qui favorise les acteurs de grande taille et diversifié. Pour cette raison, le législateur est intervenu en 2014.

On rencontre également ce phénomène avec les services au volant[4] de certains points de vente.

  1. McNair, 1958

    Significant trends and developpement in the post war period, McNair M. P. in Competitive Distribution in a Free High Level Economy and its implications for the University, ed. A.B. Smith, University of Pittsburgh Press, 1958

  2. Hollander, 1966

    Hollander, Stanley C. 1966. "Notes on the Retail Accordion." Journal Of Retailing 42, no. 2: 29.

  3. Dupuis, 1998

    L'INNOVATION DANS LA DISTRIBUTION, SON IMPLICATION DANS LES RELATIONS INDUSTRIE-COMMERCE

    MARC DUPUIS

    Décisions Marketing

    No. 15, SPÉCIAL DISTRIBUTION (Sept.-Déc. 1998) , pp. 29-41

    Published by: Association Française du Marketing

    Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40592914

  4. service au volant

    équivalent anglais : drive

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