Chapitre 7 : Réguler le système social de l'entreprise

Descriptif
Quel est l’impact de l’environnement syndical national ou local sur le fonctionnement des ressources humaines au sein des PME-PMI § Quels sont les principaux partenaires sociaux concernés § Quels sont les cadres législatifs en vigueur § Quelles en sont les perspectives § Quelles sont les conséquences sur le marché et l’organisation du travail § Sur les PME-PMI § Telles sont quelques unes des questions traitées dans ce chapitre.

Mots clés
Délégués du personnel, représentants du personnel, partenaires sociaux, syndicats, négociation, délégation, comité d’entreprise, expression collective.

Temps indicatif : 4 à 5 heures

Plan

Introduction

7.1. Le système de représentation

7.2. Les délégués du personnel et la fonction de réclamation

7.3. Les comites d'entreprise et l'expression collective

7.3.1 Les moyens

7.3.2 Le domaine économique et financier

7.4 La présence syndicale et les négociations

7.4.1 La section syndicale
7.4.2 La négociation
7.4.3 Pouvoir syndical et conflits
Conclusion

A retenir

Exercices

Introduction

Les relations avec les représentants du personnel dans les PME-PMI sont très inégales, aussi bien en droit qu'en fait. En effet, d’après Henri MAHE DE BOISLANDELLE (GRH dans les PME, Editions Economica), 52,4 % des entreprises de plus de 10 salariés n'ont pas de délégués du personnel (60 % pour les établissements de 11 à 49 salariés). Mais le taux de présence, 63,4 % entre 50 et 99 salariés, atteint 76,8 % dans les entreprises de 100 à 199 salariés.

Cependant, les instances représentatives que sont les délégués du personnel, les délégués syndicaux et les membres du comité d'entreprise peuvent jouer un rôle important et profitable à l'entreprise si une volonté de compréhension réciproque, ou tout au moins une réelle reconnaissance, prévaut. Cela n'est pas toujours le cas ni du côté des dirigeants ni du côté des membres du personnel.

Certains dirigeants ressentent ces instances comme des ingérences dans ce qui est « leur affaire » Certains membres du personnel voient dans ces structures des outils de contestation et de revendication.

Il arrive, néanmoins, que les uns et les autres « acceptent » ces structures et essayent d'y voir des passages à la fois d'information, de communication, de suggestion, de participation et même, dans une certaine mesure, de partage du pouvoir.

Pour mesurer l'importance de ces structures et mieux en comprendre le rôle, il importe d'en connaître le champ d'application, le nombre de personnes concernées, leur mission, leurs moyens d'action ou d'expression et la charge que cela peut représenter pour l'entreprise.

7.1 Le système de représentation

En France, le système de représentation est réglementé par plusieurs textes, il s’agit de :
Par ailleurs, des commissions spécialisées ont été également rendues obligatoires :

Ce sont des membres élus ou nommés par les organisations syndicales qui composent les différentes instances de représentation.

En 1993, la loi quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle a modifié l'organisation et le fonc­tionnement des institutions représentatives du personnel en per­mettant la fusion des représentations du personnel dans les PME de moins de 200 salariés.

Les instances représentatives du personnel

Institution
Représentants
du personnel (élus)
Représentants
des syndicats (désignés)
Comité d'entreprise
(1945)
Membres élus
Représentants syndicaux
Délégués du personnel
(1946)
Délégués du personnel
(Assistant syndical
éventuellement)
Section syndicale
(1968)
Délégués syndicaux

Les représentants titulaires

Effectifs
Délégués
du personnel
Comité
d'entreprise
Délégation
unique
11 à 25
1
-
-
26 à 49
2
-
-
50 à 74
2
3
3
75 à 99
3
4
4
100 à 124
4
5
5
125 à 149
5
5
6
150 à 174
5
5
7
175 à 199
6
5
8
200 à 249
6
5
-
250 à 399
7
5
-
400 à 499
7
6
-

Les syndicats disposent d'un pouvoir de présentation des candidats au premier tour des élections. Si le nombre de votants est inférieur à la moitié des électeurs inscrits, un second tour est organisé où le choix est ouvert à d'autres candidats. L'importance numérique des représentants est liée à la taille de l'entreprise ou de l'établissement.

Parmi les moyens mis à la disposition des représentants des salariés, les heures de délégation occupent une place importante. Les représentants disposent d'heures rémunérées pour l'exercice de leur mandat. Le temps passé aux réunions périodiques avec l'employeur n'est pas imputé sur ce crédit d'heures.

Les heures de délégation sont de plein droit considérées comme temps de travail et payées à l'échéance normale. Il existe donc une présomption de bonne utilisation. La nécessité d'une information préalable de l'employeur sur les heures de départ et de retour conduit en général à l'instauration de bons de délégation, qui permettent la comptabilité des heures.

La loi a consacré la liberté de déplacement des représentants du personnel hors de l'entreprise et à l'intérieur de celle-ci. Les représentants peuvent prendre tous les contacts qui apparaissent nécessaires à l'accomplissement de leur mission, en particulier avec les salariés à leur poste de travail, à condition que ces contacts n'apportent pas de gêne importante au travail.

Le dispositif institue une complémentarité entre les différents éléments. Il permet de remplir les trois dimensions de base des relations sociales dans l'entreprise : la réclamation, l'expression collective et la négociation.

Les heures de délégation
Membres élus du CE
20 h/mois

Membres de la commission économique du CE

40 h/an

Membres de la commission logement du CE

20 h/an
Délégués du personnel
Entreprises d'au moins 50 salariés
15 h/mois
Entreprises de moins de 50 salariés
10 h/mois

Délégués du personnel exerçant les fonctions économiques

du CE (à partir de 50 salariés)
35 h/mois
Délégués syndicaux
de 50 à 150 salariés
10 h/mois
de 151 à 500 salariés
15 h/mois
Délégués syndicaux centraux
20 h/mois

Délégués uniques du personnel (de 50 à 199 salariés)

20 h/mois

7.2 Les délégués du personnel et la fonction de réclamation

La fonction de réclamation est assumée par les délégués du personnel. Ils ont mission de présenter aux employeurs toute réclamation individuelle ou collective, relative aux salariés, à l'application du Code du travail et des conventions et accords applicables dans l'entreprise. Ils sont élus dans tout établissement de plus de 10 salariés pour deux ans.

L'intervention des délégués du personnel n'est pas obligatoire ; chaque salarié qui désire saisir la direction de l'entreprise d'une réclamation a le choix entre deux canaux : soit présenter lui-même ses observations à l'employeur ou à ses représentants, soit les présenter par l'intermédiaire d'un délégué du personnel.
Les délégués du personnel ont aussi pour mission de faire part à l'inspecteur du travail compétent des observations ou des plaintes concernant l'application du droit du travail dans l'entreprise.

Ils sont habilités à présenter les réclamations des salariés d'entreprises extérieures portant sur les conditions de travail et celles des travailleurs intérimaires portant sur les conditions de travail et l'égalité des rémunérations.
En dehors de la présentation des réclamations à l'employeur et de la saisie de l'inspecteur du travail, les délégués du personnel ont un rôle à jouer dans divers domaines précisés par les textes (départs en congé, repos compensateur, par exemple).

Les délégués du personnel disposent, pour exercer leur fonction, de la possibilité de rencontrer l'employeur sur leur demande et, collectivement, au moins une fois par mois. Les demandes des délégués et les réponses de l'employeur sont reportées sur un registre spécial tenu à la disposition des salariés et de l'inspecteur du travail.

Une bonne application de la réglementation par l'entreprise et le développement du sens de la responsabilité de l'encadrement permettent de réduire l'importance des réclamations.

7.3 Les comites d'entreprise et l'expression collective

La loi du 28 octobre 1982 a défini l'objet du comité d'entreprise comme étant « d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts ».

Cette définition marque une évolution. Lors de sa création, en 1945, l'accent était mis sur la fonction de concertation : « le comité d'entreprise coopère avec la Direction ». Le comité avait été conçu, à l'origine, comme une structure de l'entreprise, ce qui justifie que l'employeur y siège comme président, membre d'une assemblée délibérante.
Le comité d'entreprise doit être constitué dans les entreprises d'au moins 50 salariés. Des comités d'établissement sont créés en cas d'établissements distincts.

7.3.1 Les moyens

Le comité dispose de moyens pour son information, ses investigations et le plein exercice de l'ensemble de ses attributions.

7.1.3.1.1 Les informations mises à dispotion
7.1.3.1.2 Les autres moyens

Le comité dispose de moyens propres :

7.3.2 Le domaine économique et financier

En matière économique et financière, la compétence du comité porte sur « les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail ou les conditions d'emploi et de travail du personnel » (Code du travail). Le comité doit être en particulier consulté sur :

7.4 La présence syndicale et les négociations

La loi du 27 décembre 1968 avait marqué la reconnaissance de la présence syndicale dans l'entreprise. La loi du 28 octobre 1982 a renforcé cette présence.

7.4.1 La section syndicale

Le support de la présence syndicale est la section syndicale. Chaque syndicat représentatif, qui constitue une section syndicale dans une entreprise d'au moins 50 salariés, désigne un ou plusieurs délégués syndicaux. Les syndicats affiliés à l'une des cinq grandes centrales représentatives au niveau national (CFDT, CFTC, CGC, CGT, CGT-FO) sont présumés représentatifs dans l'entreprise.

Les moyens de la présence syndicale sont l'affichage, la distribution de documents, la collecte des cotisations, la disposition d'un local (commun à partir de 200 salariés), les réunions, les heures de délégation et la libre circulation des délégués syndicaux.

7.4.2 La négociation

La représentation syndicale assure la fonction de négociation. La loi favorise la négociation collective au niveau de l'entreprise. Elle institue une obligation de négociation annuelle sur les salaires effectifs, sur la durée du travail, sur l'organisation du temps de travail. C'est une obligation de négocier mais non de conclure. Elle concerne toute entreprise où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales.

Cette négociation obligatoire peut s'insérer dans un accord-cadre, qui comportera une négociation sur d'autres sujets et selon une périodicité particulière. La convention d'entreprise a pour objet d'adapter les dispositions de la convention de branche aux conditions particulières de l'entreprise ; elle peut d'ailleurs comprendre des clauses plus favorables aux salariés. Sur les points que la convention de branche ne traite pas, elle peut instaurer des dispositions nouvelles.

Lorsque la convention ou l'accord d'entreprise possède des clauses dérogeant à des dispositions légales ou réglementaires, un droit d'opposition est reconnu aux organisations syndicales non signataires ayant obtenu plus de 50 % du nombre des inscrits aux dernières élections au comité.

7.4.3 Pouvoir syndical et conflits

Le syndicat, contrairement à l'expression courante, n'a pas le pouvoir de « déclencher un mouvement », ni surtout de l'arrêter. Il ne peut que s'efforcer de convaincre d'arrêter le travail ou de le reprendre. Son seul pouvoir dépend de sa capacité à convaincre les salariés pour « transformer des malaises individuels en revendications collectives », et ainsi être en mesure de faire pression sur la Direction.

Les salariés cessent souvent le travail lorsque le climat s'est trop dégradé, sans aucun mot d'ordre syndical.
Le délégué doit alors essayer de se « rebrancher » sur le mouvement afin de le faire évoluer vers une issue positive pour les salariés. Il s'efforce donc de reformuler les malaises ressentis dans l'atelier ou l'usine, afin de convaincre les grévistes qu'il les comprend, qu'il est à même de prendre en charge leurs intérêts pour faire aboutir leurs revendications. C'est par la parole qu'il acquiert un pouvoir fragile et temporaire.

Le délégué est encore plus démuni pour arrêter un conflit. La signature d'un accord ne suffit pas puisqu'il n'a aucun pouvoir légal pour demander la reprise du travail. Là encore, il doit convaincre les salariés qu'il ne sera pas possible d'obtenir plus.

Conclusion

La coexistence entre le syndicalisme et les PME est souvent délicate. Selon les associations patronales, le syndicalisme dans les PME n'est pas utile et ne correspond pas à un besoin des salariés. Les raisons pour lesquelles la syndicalisation ne s'y développe pas tellement sont nombreuses, entre autres : a) les salaires dans les PME sont bien souvent comparables à ceux de la grande entreprise ; b) les lois du travail font en sorte que les salariés peuvent se passer de syndicats. En outre, les demandes syndicales qui se justifient dans les grandes organisations ne peuvent s'appliquer dans les PME. L'attitude du patronat à l'égard du syndicalisme a évolué depuis plusieurs décennies et s'il existe encore un écart entre les vues syndicales et patronales, l'écart semble peu à peu se réduire. Pour certains employeurs, les salariés cherchent autre chose que la revendication continuelle et ils ne se syndiquent pas volontiers. Enfin, les associations patronales s'opposent aux négociations multipatronales que revendiquent les centrales syndicales dans le but de syndicaliser les PME.

A retenir

Dans toutes les entreprises, y compris dans les PME-PMI, les relations professionnelles peuvent être définies comme l'ensemble des pratiques et des règles qui, dans une entreprise, une branche, une région, ou l'économie toute entière, structurent les rapports entre employeurs, salariés et État. La GRH, de même que le droit du travail constituent des sous-ensembles de ces règles. C’est souvent largement dans une histoire du conflit, que ces règles s'inscrivent.

Conflit, négociation et régulation:

En France, le terme de relations professionnelles apparaît à la fin du 19ème siècle, période marquée par des grèves dures réprimées violemment. Cette histoire hante les mémoires, mais il faut se garder de réduire le conflit à la grève et la régulation à la codification des rapports de force à l'issue de ces épreuves sociales. Les divergences d'intérêt sont indissociables de la notion d'organisation et toute activité de travail peut s'analyser comme une négociation permanente (la régulation conjointe) entre acteurs porteurs de règles de contrôle (la direction au sens large) et acteurs producteurs de règles autonomes (les collectifs de travail). Cette négociation n'est que partiellement explicite ; il en va de même de la négociation sociale entre la Direction et les représentants du personnel.


Le modèle de la négociation correspondant à la représentation la plus répandue est celui de la négociation-contrat (recherche de concessions réciproques et de contreparties). Ce modèle est insuffisant pour comprendre les relations professionnelles car il suppose un relatif équilibre des parties qui n'est qu'occasionnellement réalisé. D'autres modèles telles que la négociation-manifestation doivent être pris en compte. Ils s'inscrivent dans un spectre des formes de régulation allant du conflit ouvert (la grève) à la négociation explicite.

Exercice

Etude de cas

Etude de Cas : FRUITS-DE-SAISON SARL

L'entreprise FRUITS-DE-SAISON fut fondée en 1970 dans le Sud de la France et elle a son siège social à la Place du Marché à Montpellier. Elle a commencé par la production de raisins.

Avec le temps, elle a élargi sa production à d’autres fruits comme les pommes, les poires, les fraises et les melons et elle est même devenue leader dans le domaine.

La société emploie en majorité des étrangers souvent de sexe fémininet a toujours puisé sa main-d'oeuvre parmi des immigrées nouvellement arrivées en France. La plupart ne savent ni lire ni écrire. Le recrutement se fait de bouche à oreille. FRUITS-DE-SAISON emploie actuellement environ 60 personnes.

Mis à part les responsables hiérarchiques, tous les salariées sont payés au rendement. Le taux de roule­ment est très faible parce que ces ouvrières ont besoin de gagner leur vie et qu'elles peuvent difficilement trouver un emploi ailleurs. La semaine normale de travail dépasse généralement les 35 heures. Il faut aux salariées un mini­mum de trois mois pour acquérir une certaine méthodologie afin de satisfaire aux exigences de l'emploi. Le travail au rendement qu'elles effectuent leur permet à peine de gagner le niveau de salaire minimum légal.

À plusieurs reprises, les plus jeunes d'entreelles ont tenté de se syndiquer, mais en vain. La plupart des meneurs ont été licenciées sous la couverture d'autres raisons. Quant aux plus âgées, elles n'osent pas toucher aux "choses syndicales", car elles ont peur de représailles directes ou indirectes de la part de l'employeur.

L'employeur ne manifeste que très peu de sensibilité vis-à-vis des revendications de ses salariées. Le cas de Reina illustre bien cette situation. Cette jeune femme travaille depuis dix ans dans l'entreprise. Depuis trois ans, elle n'a pas pris de vacances et elle s'est entendue verbalement avec son patron pour que l'accumulation de ses semaines de vacances servent dans un dessein précis : aller rendre visite à sa fille en Roumanie. Au mois d'avril, elle avertit le patron qu'elle a acheté un billet d'avion non remboursable pour la période du 15 juillet au 15 août pour la raison "qu'il connaît". Le patron a répondu : « Pas de problème ».

Le 1er juillet, Reina a rappelé à son patron qu'elle partait vers le 15 juillet. Le patron ne semblait pas se rappeler du tout du cas de Reina. Il lui répondit que si elle partait durant l'été, elle ne pourrait pas réintégrer son travail, car elle serait définitivementremplacée. L'entreprise grâce à une météo exceptionnelle tournera en plein régime et elle a besoin actuellement des services de Reina. Comme cette dernière ne pouvait se permettre de perdre son travail, elle a répondu : « Vous ne me laissez pas le choix. Je vais rester ». Elle sortit du bureau du patron les larmes aux yeux.

Ses camarades la voyant ainsi arrêtèrent toutes de travailler. Plusieurs criaient : « il faut qu'on se pro­tège... il faut qu'on se syndique... groupons-nous...». Les responsables hiérarchiques avertirent le patron de l'agitation des ouvrières, particulièrement de trois d'entre elles. Le patron fit réprimer l'agitation. Le soir même, ces troisouvrières recevaient un coup de téléphone qui les avertissait de ne pas se présenter le lendemain, car il n'y avait plusde travail pour elles. Les trois ouvrières se sont consultées et ont décidé de porter l’affaire devant les juridictions compétences.

Questions

  1. Pourquoi cette entreprise a-t-elle majoritairement des immigrants comme salariés ?
  2. Pourquoi les jeunes salariées de cette entreprise veulent-elles se syndiquer alors que les plus âgées sont plus réticentes ?
  3. Comment pourrait-on qualifier la réaction du patron vis-à-vis de Reina ? Celle-ci peut-elle exercer des recours ?
  4. Est-il possible de syndiquer ces salariés? Justifiez votre réponse.

Corrigé

Vous trouverez ici les éléments de corrigé de l'étude de cas.